Au calme. Assis sur un petit fauteuil blanc dans un jardin cosy à la pelouse bien taillée, Serge Aurier reçoit Mouloud Achour et le média Clique.tv. L'ambiance est détendue entre le jeune joueur du PSG et le journaliste, qui précise pourtant que c'est la première interview que le footballeur donne «après toutes [ses] histoires». Car le latéral droit ivoirien a connu une première moitié d'année 2016 assez mouvementée. Mis en garde à vue fin mai après une sortie en boîte de nuit, il est soupçonné d'avoir insulté et frappé un policier. Il en a profité pour donner sa version des événements mais devra se présenter au tribunal correctionnel en septembre pour «violences volontaires».
Plus tôt dans l'année, Serge Aurier s'est aussi fait suspendre provisoirement par son club de football, en raison d'une vidéo sur le réseau social Periscope où il traite notamment Laurent Blanc, son désormais ex-entraîneur, de «fiotte». L'affaire a fait réagir le monde du football (et celui des commentateurs). Dans l'interview, Serge Aurier explique juste qu'il «ne connaissait pas l'application» Periscope. Mouloud Achour relance:
«Est-ce que tu as demandé à Périscope qu'ils te payent ou pas?
-Je vais le faire je pense.
-C'est toi qui a fait connaître l'application en France. [...] Je te conseille de faire vite parce qu'ils ont été rachetés par Twitter et ils gagnent beaucoup d'argent Periscope.
-Je vais aller voir Twitter aussi. Ils se sont fait du blé sur mon dos. J'ai le droit d'aller récupérer ce qui m'appartient.»
Le ton de Serge Aurier est léger et ce n'est peut-être qu'une blague lancée à la volée. Mais quelqu'un peut-il gagner s'il souhaite obtenir un dédommagement de la part de Periscope, ou de tout autre réseau social, pour en avoir fait la publicité? «Non, répond Maître Alain Bensoussan, avocat spécialisé dans la propriété intellectuelle. Periscope est une plateforme d’hébergement de vidéos et est protégée de ce fait par la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) et son article 6.»
Essor des recherches
De plus, toute personne qui se retrouve dans une situation qu'elle n'a pas souhaitée, mais qui avait implicitement donné son accord, est forcément à l'origine du problème sur Periscope. «Lorsque vous utilisez des outils de retransmission, vous devez avoir une position raisonnée et raisonnable. Vous ne pouvez pas demander à Periscope de payer alors que vous avez souscrit au principe de rediffusion», conclut l'avocat, qui ajoute que cette situation n'a rien à voir avec la diffusion d'un événement privé sans l'accord de la personne filmée.
Il peut intenter une action en justice mais il faudrait démontrer que Periscope a bien gagné de la notoriété grâce à sa vidéo, ce qui est indémontrable
De plus, les conditions d'utilisation sont formelles. En se servant de l'application, le periscopeur donne à la société une licence mondiale et «libre de droits», avec le droit de sous-licencier. «La seule possibilité pour Aurier serait de négocier à l'amiable avec Periscope, renchérit Maître Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris. Mais j'imagine mal l'entreprise le faire. Il peut aussi intenter une action en justice mais il faudrait démontrer que Periscope a bien gagné de la notoriété grâce à sa vidéo, ce qui est indémontrable.»
Pourtant, Slate.fr avait bien noté le regain de popularité de l'application après l'affaire, que ce soit par des tweets, des articles de médias ou des recherches de curieux. Sur Google Trends, on voit que le mot Periscope connaît un bond lors de la semaine du 14 février et la chicha party de Serge Aurier. Même si c'est surtout le suicide d'une jeune fille en direct sur l'application début mai qui a boosté les recherches.
Partenariats
Pour Virginie Spies, maître de conférences à l'université d'Avignon et spécialiste des réseaux sociaux, Periscope peut aussi rétorquer à Serge Aurier que ce dernier est devenu célèbre «auprès d'un public qui ne le connaissait pas». Et ce n'est «pas à un réseau social qu'on peut faire un procès pour ce genre d'événement. Peut-être plus à l'ami qui a pris la vidéo».
Pour le droit de la propriété intellectuelle, la publicité indirecte n'existe pas. «Au final, Periscope n'est pas responsable de la situation, explique Maître Thierry Vallat. C'est un peu comme si vous aviez une vedette de la téléréalité qui se fait attraper par les paparazzis en mauvaise posture dans une Renault et qui demandait par la suite de l'argent à la marque pour en avoir fait la publicité.»
La prochaine fois, pour avoir des chances de se faire rémunérer, on ne peut que conseiller à Serge Aurier de nouer un partenariat avec Periscope (ou sur n'importe quel autre réseau social), comme de nombreuses stars sur Twitter ou Facebook. Mais avant de faire le buzz, pas après.