Depuis 2010, la stratégie des anti-avortement américains a été de faire passer des lois restrictives censées protéger la santé des femmes. Comme il est impossible d’interdire l’avortement (qui est garanti par l’arrêt de 1973 Roe v. Wade), les législateurs conservateurs tentent de rendre la pratique compliquée au niveau des États.
C’était notamment le cas au Texas, où la loi HB2 de 2013, qui vient d’être invalidée par la Cour suprême dans l’arrêt Whole Woman’s Health v. Hellerstedt, requérait que les cliniques d’avortement aient des plateaux chirurgicaux et que les docteurs aient un droit d’admission de leurs patientes dans un hôpital local. Ces restrictions avaient conduit à la fermeture de la moitié des cliniques d’avortement du Texas.
Une quinzaine d’autres États ont fait passer des mesures restrictives similaires: par exemple, l’obligation pour les femmes d’aller dans des «centres de crise» où on leur donne de fausses informations sur les risques d’une IVG, ainsi que l’imposition de certains délais d’attente et des contraintes en matière d’équipement requis dans les cliniques d’avortement. En 2016, en Alabama, les législateurs ont même fait passer une loi qui imposerait la fermeture de toute clinique d’avortement située à moins de 600 mètres d’une école.
Le journal satirique The Onion avait bien résumé cette stratégie de blocage des anti-IVG avec un article intitulé «Une nouvelle loi anti-avortement oblige les médecins à escalader un mur de 5 mètres autour de la clinique».
Restriction injustifiée
Or le récent arrêt de la Cour suprême (soutenu par cinq juges contre trois) devrait permettre d’invalider toutes ces lois, désormais anticonstitutionnelles. Dans son arrêt, le juge Stephen Breyer explique que la loi du Texas utilise l’argument médical de façon spécieuse. Au Texas, de nombreuses autres procédures plus dangereuses que l’avortement –comme les accouchements et les colonoscopies– sont autorisées dans des cliniques sans plateau chirurgical, et il n’y a donc aucune raison que l’avortement soit l’exception.
Comme le résume Christina Cauterucci dans Slate.com, «l’effet voulu de ces lois n’était pas des cliniques d’avortement plus sûres mais moins de cliniques d’avortement». Or, pour les cinq juges majoritaires, «ces dispositions n’offrent aucun avantage médical qui justifie la restriction de l’accès» aux cliniques, et elles «constituent une restriction injustifiée de l’accès à l’avortement qui est en violation de la constitution fédérale».
Comme le note la juge Ruth Bader Ginsburg dans son opinion légale, ce genre de loi a un impact négatif sur la santé des femmes, contrairement aux intentions annoncées par les législateurs conservateurs:
«Lorsqu’un État limite sévèrement l’accès à des procédures sûres et légales, les femmes dans des circonstances désespérées peuvent avoir recours à des praticiens dangereux et non licenciés, faute de mieux, ce qui constitue un grand risque pour leur santé et leur sécurité.»