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Gchat avait des années d’avance sur WhatsApp, Messenger et Slack

Temps de lecture : 5 min

Google ne s’est pas rendu compte que Gchat était l’avenir de la messagerie instantanée.

Montage réalisé par Slate.fr à partir de l’écran 404 de Google (Rick Turoczy via Flickr CC License by)
Montage réalisé par Slate.fr à partir de l’écran 404 de Google (Rick Turoczy via Flickr CC License by)

Tout le monde parle de Slack ces derniers temps. Cette application de messagerie, principalement destinée aux bureaux et à la productivité, est simple, bien conçue, agréable à utiliser et puissante. Slack est également la société qui était au centre de toutes les conversations en 2015. Mais que vous aimiez ou non le produit, il est grand temps d’admettre enfin une chose: Slack n’est rien d’autre que Gchat.

Il y a dix ans, les gens ne comprenaient pas nécessairement qu’ils pouvaient se servir de Gchat de la manière qu’ils utilisent Slack aujourd’hui. Ils le considéraient comme une application qui permettait de discuter et plaisanter avec ses amis, et non de travailler avec ses collègues et collaborateurs. Pourtant Gmail archivait les conversations, offrait la possibilité d’y effectuer des recherches, permettait de créer des groupes et facilitait les transferts de médias. C’est ce que fait Slack, et Google le proposait déjà (sous une forme moins évoluée) en 2005 sans s’en rendre compte.

Bien entendu, Google n’a pas inventé la messagerie instantanée. Et renier l’importance d’AOL Instant Messenger (AIM) reviendrait à renier les expériences formatrices de la plupart des «millenials» (et n’oublions pas non plus ICQ, MSN Messenger et Yahoo! Messenger). Mais Google a fait de l’interopérabilité à grande échelle le principal objectif de Gchat et a intégré AIM, par exemple, dès la fin 2007. À mesure que la popularité de Gmail grandissait et que Gchat intégrait de plus en plus de services de messagerie, l’application connaissait un engouement de plus en plus grand.

Utilisateurs fidèles

Le premier signe montrant que Google n’aimait pas autant Gchat que ses utilisateurs était son nom. On peut deviser de Gchat des heures durant, mais Google n’a jamais reconnu officiellement cette appellation comme le nom du service, ni expliqué pourquoi ça ne l’était pas. Pour désigner son application (lancée en 2005), Google s’appliquait à parler de Google Talk et, pour son intégration dans Gmail (lancée en 2006), Google parlait de Google Chat ou juste Chat.

Il a fallu user d’un vocabulaire créatif pour gérer la situation. Le site Mashable a écrit que le service était «officiellement baptisé Google Talk, mais officieusement appelé Gchat». The Telegraph a essayé «Google Talk, plus communément appelé Google chat ou Gchat». C’était déroutant! Et pour la base des utilisateurs fidèles, cela donnait l’impression qu’aimer Gchat (tant le nom que la communauté qui s’était construite autour du service) était d’une certaine manière illégitime.

En 2011, Google a commencé à mener des tests sur un outil de communication dénommé Hangouts dans Google+ et, dès 2013, Google a espéré faire de Hangouts le nouveau Gchat. Ce service possédait des fonctions avancées d’appel vidéo, un outil de partage de localisation et un support pour les GIF. En gros, Hangouts était une évolution naturelle de Gchat. Mais beaucoup des utilisateurs de la toute première application n’apprécièrent pas la transition et critiquèrent le nouveau produit, s’accrochant à l’interface classique de Gchat. «Donc, je suis passé à Google Hangout et maintenant, la colonne de chat de mon Gmail est complètement pourrie», expliquait par exemple un utilisateur de Gchat sur un forum d’aide de Google en 2013, alors que Google poussait les utilisateurs à changer d’application.

En 2005 et 2006, la société proposait la fondation de ce qui allait devenir la prochaine grosse tendance. Gchat était simple, élégant et, par-dessus tout, servait à une seule tâche. C’est aujourd’hui fini

Deux ans plus tard, John Brownlee écrivait un article passionné prenant la défense du Gchat classique dans Fast Company:

«L’amour des professionnels travaillant en ligne pour Gchat s’explique facilement. Dans un monde où les clients de messagerie finissaient par prendre des allures de délires pop japoniais, Gchat était résolument sobre et orienté texte. Mettant l’accent sur la fonctionnalité, il coexistait avec Gmail sans jamais essayer de le concurrencer. Lorsque vous cliquiez sur un nom pour écrire à quelqu’un, vous pouviez lui envoyer du texte, voire ensuite démarrer une conversation vidéo, mais cela s’arrêtait là. C’était une application résolument simple, ce qui ne l’empêchait pas de recéler quelques beaux détails trop souvent sous-estimés.»

Table rase

Présenter la nouvelle version comme un produit de remplacement semblait confirmer les soupçons selon lesquels Google n’aimait pas autant Gchat que les utilisateurs. C’est aussi à partir de ce moment que la politique de Google en matière de messagerie instantanée semble avoir perdu tout son sens. Dans son histoire, Google explique que, en mai 2013, Hangouts «remplace Google Talk, Google+ Hangouts et Messenger pour devenir le système de communication unique de Google». Pourtant, Google Messenger continue d’être présent au même titre que Hangouts. Et il y a même encore certains utilisateurs qui continuent de se servir de l’ancien Gchat.

Mais attendez, ce n’est pas tout. En mai 2016, Google a annoncé le lancement d’une application de messagerie instantanée et d’une autre de conversation vidéo, respectivement baptisées Allo et Duo, qui sont dotées d’une fonction de personnalisation par apprentissage automatique. La semaine d’avant, la société avait aussi annoncé le lancement d’une application de collaboration et de productivité baptisée Spaces, qui mêle partage de contenus multimédias et navigateur web avec messagerie.

Cela fait beaucoup d’outils pour communiquer. Un porte-parole de Google m’a déclaré que, «avec Allo et Duo, nous avons voulu repartir de zéro en élaborant des applications mobiles à fonction unique. Hangouts, en revanche, est une puissante application multiplateformes, qui répond aux besoins spécifiques d’utilisateurs en matière de productivité et de travail en groupes». Google semble créer une nouvelle marque pour chaque nouveau produit, même lorsque leurs fonctionnalités se chevauchent.

D’un point de vue interne, il n’est pas absurde de faire table rase du passé pour débuter un projet sur de toutes nouvelles bases. «Nous ne voulions pas gêner l’équipe [d’ingénieurs] avec des décisions prises pour des anciens produits» a déclaré sur CNET Erik Kay, directeur de l’ingénierie de Google pour les logiciels de communication. Mais du point de vue du consommateur, ces changements de noms peuvent paraître redondants et irrespectueux par rapport à des produits qui étaient appréciés et qui auraient pu être améliorés au lieu d’être remisés au placard (adieu Google Reader).

Dans une réflexion sur Digital Trends où il parlait de la surabondance d’applications de communication de Google, Andy Boxall a écrit que la société de Mountain View était en train de «vomir trois nouvelles applications de messagerie… Laquelle choisir? Si vous ne le savez pas, ne demandez pas à Google. Compte tenu de son approche plus que confuse des logiciels de messagerie, on peut supposer qu’elle n’en a pas la moindre idée non plus». Cela suggère que Google tenait quelque chose de bien plus précieux qu’il n’en avait l’impression avec Gchat. En 2005 et 2006, la société proposait la fondation de ce qui allait devenir la prochaine grosse tendance. Gchat était simple, élégant et, par-dessus tout, servait à une seule tâche. C’est aujourd’hui fini.

Au-delà de Slack, Google avait cinq ou six années d’avance sur WhatsApp, GroupMe et Facebook Messenger avec son application de messagerie sympa, pratique et pleine de fonctions. Google aurait pu empocher le gros lot si la société l’avait compris à l’époque. À vrai dire, on entend encore fréquemment des gens appeler Gchat leur application de messagerie Google. C’est le signe d’une marque forte, surtout compte tenu du fait que c’est une marque qui n’a jamais existé.

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