Plus aucun GIF, ou Vine, plus aucune vidéo. Pour voir les plus beaux buts de l'Euro, il fallait aller très vite sur les réseaux sociaux et sites de partage de vidéos, ou attendre que les diffuseurs officiels veulent bien les montrer. «L'UEFA fait la chasse aux images amateur», titrait le Journal du Dimanche ce 16 juin, quelques jours après le début d'un Euro qui a «coïncidé avec un durcissement à l'encontre des internautes et journalistes qui partagent des images des matchs sur les réseaux sociaux».
Dans son article, le site de l'hebdomadaire expliquait notamment que «la suppression des tweets ou/et des comptes incriminés semble donc être la réponse la plus répandue».
Pas assez visiblement pour faire taire tout le monde. De nombreux comptes se sont fait une spécialité de publier ce genre de médias. Philippe, alias @Philousports, que nous avions qualifié de Zidane du GIF en 2014, avait dans un premier temps estimé que c'était une mauvaise idée d'énerver l'UEFA, avant de finalement s'asseoir un peu sur le règlement.
@ludovictessier1 thug life lol
— philippe (@philousports) 16 juin 2016
Contacté sur Twitter, il nous expliquait, qu'il n'en faisait que très rarement et les effaçait vite ensuite, «sinon je détourne des actions comme celle de Pogba et “Dirty Dancing”, et là je passe dans le vide juridique de la parodie».
Il dit avoir été contacté par des diffuseurs qui ont reçu «pour ordre de l'UEFA de signaler tout GIF et vidéo sans plus de précisions pour les sanctions. J'ai eu un GIF qui a été supprimé à la demande de l'UEFA au début de l'Euro».
L'avenir est à la vidéo
En soit, la réponse de l'UEFA est compréhensible. Les diffuseurs officiels (TF1, M6 et beIN Sports) ont payé très cher le droit de retransmettre en exclusivité l'événement. Mais même s'ils font des efforts et publient eux-mêmes pas mal de GIFs et vidéos dans les secondes ou minutes qui suivent les actions, ce n'est pas forcément suffisant, pour des fans désormais habitués à vivre les matchs sur Twitter ou Vine (ou certains subreddits), ou à revoir les actions qui les ont marqués en deux clics, voire à vibrer parce qu'une personne qu'ils suivent particulièrement a mis en ligne une vidéo superbe contenant des actions d'une rencontre.
La NBA encourage ses fans à créer et partager du contenu pour montrer leur amour du sport
Pourtant la plupart des GIFs ne font aucun mal aux diffuseurs. En plus des buts et actions incroyables, ils permettent également de relayer des détails insolites, sur lesquels les détenteurs des droits ne s'arrêtent pas forcément. Et en les rendant viraux, cela contribue à la popularité du sport.
«Je ne suis pas là pour nuire aux télévisions, expliquait Philippe à RTL, avant l'Euro. Je comprends qu'elles paient cher pour des buts ou des essais. Je montre ma bonne foi en me cantonnant aux insolites qui ne leur nuisent pas et font même leur promotion. Par exemple, je laisse toujours le logo de la chaîne alors que je pourrais recadrer l'image pour qu'il n'apparaisse pas.»
Par ailleurs, la vidéo (et les GIFs par extension) semblent être le futur des réseaux sociaux. Au début de mois de juin, Nicola Mendelsohn, qui dirige les opérations du réseau social en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, a expliqué que d'ici cinq ans, Facebook «sera définitivement mobile, et probablement entièrement vidéo».
Exprimer sa passion
L'UEFA et les instances de football en général (on pense à vous la LFP) semblent encore à des années-lumière de la NBA. Il y a quelques semaines, au milieu du mois de mai, alors que l'on s'approchait des finales de conférence, TechCrunch revenait sur le choix fait par la NBA vis-à-vis de ses fans, et des droits.
In terms of adapting to the digital age, the NBA is ridiculously far ahead of every other professional sports league https://t.co/R9daV5c7zk
— Austin Green (@LosCrossovers) 17 mai 2016
«Contrairement à d'autres Ligues et médias traditionnels qui envoient régulièrement des demandes de retrait, la NBA encourage ses fans à créer et partager du contenu pour montrer leur amour du sport. “La NBA reconnaît que créer et partager du contenu est un moyen pour les fans d'exprimer leur passion. Nous avons depuis longtemps adopté les créateurs de contenu que ce soit sur YouTube ou sur les autres réseaux sociaux”, explique Jeff Marsilio, vice-président en charge des médias internationaux.»
«Quasiment de la pub gratuite»
Et pourtant cet avis n'est pas largement partagé par le reste du sport américain. Comme le racontait Wired dans un article fouillé sur la façon dont les «techies» essaient de faire de la NBA la plus grande ligue sportive du monde. La ligue de football américain pratique elle aussi la chasse aux contenus et avait notamment fait sauter un tweet et le compte de Deadspin, en octobre dernier, quand la ligue de baseball envoie régulièrement des demandes de retrait. Pas vraiment l'option choisie par la NBA:
Selon moi, c'est tout bénéfice pour la Ligue, ça la met en valeur, la promeut, et je pense que la NBA ne s'est pas trompé là-dessus
«Adam Silver [le comissaire général de la NBA, ndlr] a vite réalisé que les gens enregistraient des choses sur leur télé avant de les uploader sur YouTube, explique David Levy, président de Turner qui diffuse des matchs et codirige NBA.com pour la Ligue. Il a compris Instagram. Il a compris Snapchat. Il comprend que les fans sont des fans et qu'il faut aller là où l'on trouvera des gens. [...] C'est quasiment de la pub gratuite. Selon moi, c'est tout bénéfice pour la Ligue, ça la met en valeur, la promeut, et je pense que la NBA ne s'est pas trompé là-dessus.»
Pour les play-offs, la ligue américaine a même imaginé un outil permettant aux fans de créer leurs propres vidéos pour promouvoir les matchs à venir et développer un lien «avec les millenials pour que les participants qui développent de grosses audiences, ou démontrent un talent particulier puissent recevoir des récompenses commes des billets, un accès à l'équipe vidéo de la NBA et d'autres choses», explique TechCrunch.
Sur Snapchat, le compte de la NBA n'hésite pas à reprendre les snaps des spectateurs présents dans la salle dans sa story, quand le JDD rapporte que l'UEFA faisait la chasse aux journalistes qui utilisaient leurs smartphones en mode prise de vue pendant France-Albanie (même si pour avoir assisté à différents matchs lors de cet Euro, je peux assurer qu'aucun stadier ou membre de l'UEFA ne m'a empêché de faire quoi que ce soit en tribune de presse).
Il est devenu quasiment impossible d'empêcher des vidéos, ou des GIFs d'être publiés. Alors peut-être qu'au lieu de toujours courir derrière les plus gros fans de foot pour supprimer leurs contenus, l'UEFA et les instances du football en général devraient peut-être y penser à deux fois quand la NBA leur souffle des bonnes idées.