Son post a été liké plus de 89.000 fois sur Facebook et partagé plus de 11.000 fois à ce jour. Sur la photo, on voit Ruth Clemens dans une cabine d’essayage H&M de la ville de Leeds, en Grande-Bretagne. Elle y porte un jean qu’elle ne parvient pas à boutonner. Sauf que, au lieu de se sentir mal dans sa peau et d’avoir honte de se regarder dans le miroir, la jeune femme remet en question la chaîne de magasins de vêtements. D’autant qu’elle a pris un jean une taille au-dessus de la sienne: du 16 (soit du 44) au lieu du 14 (42).
Elle poste d’abord la photo sur sa page Facebook personnelle, raconte-t-elle à Buzzfeed UK, pour montrer à ses ami(e)s «à quel point ce jean est ridicule». L’une d’elles lui suggère de la poster sur la page Facebook de H&M, ce qu’elle fait lundi 13 juin en pensant que sa critique «sera noyée dans un océan de réclamations». Ce n’est pas ce qu’il se passe. Sa photo et le commentaire qui l’accompagne font mouche. Tout simplement parce que de nombreuses personnes, comme le note le site Attn, se reconnaissent dans sa déclaration:
«Je ne suis pas en surpoids (ce qui ne devrait d’ailleurs rien changer) et, même si je mesure 1,80 mètre, ma silhouette est dans la moyenne. C’est déjà suffisamment difficile de trouver des habits qui soient à ma taille, pourquoi faites-vous des jeans qui sont irréalistes et trop petits? Est-ce que je suis trop grosse pour votre taille normale? Devrais-je juste accepter que les vêtements à la mode et pas trop chers ne sont pas pour les gens comme moi?»
Étiquettes
Ruth Clemens précise dans son post que la taille 44 est la plus grande taille que l’on trouve dans les magasins H&M et qu’il lui est impossible d’y trouver des vêtements. Elle voit donc dans ce jean trop petit (ainsi que le T-shirt taillé M qui écouvre complètement son ventre) une injonction à être (très) mince –maigrissez si vous voulez vous habiller. Une injonction qui semble s’accentuer au fil des ans. C’est ce qu’avait montré le 21 mai 2016, aux États-Unis cette fois-ci, Missy Rogers dans un post Facebook, avec une photo d’un short American Eagle taille 4 (donc 36) acheté il y a quelques années superposé sur un short de la même marque acheté en 2016, identique en tous points à part la couleur et surtout le fait qu’il était étiqueté taille 10 (soit 42): «Si une taille 10 est ce que l’on considérait comme une taille 4, qu’est devenue la taille 4?»
Difficile donc de se vêtir quand on ne rentre pas dans la norme, qui plus est si les tailles changent non seulement selon le type de vêtements, comme l’a spécifié H&M dans son post d’excuses à la jeune femme, les marques (le fameux «Vous taillez petit ou grand?») et les années. Sans compter que le phénomène inverse, le fait qu’une taille donnée, au fil des années, corresponde à des vêtements de plus en plus larges, existe... et est aussi néfaste, relève Attn: c’est ce qu’on appelle le «vanity sizing», pratique des magasins de vêtements qui consiste à faire diminuer la taille affichée du vêtement dans l’optique de faire croître l’ego des femmes (et les faire acheter). Ce qui participe à l’injonction de la minceur: vous n’êtes belle que si vous rentrez dans du S.
Quoi qu’il en soit, Ruth Clemens et tous ceux qui ont liké ou partagé sa photo refusent que le chiffre ou la lettre sur l’étiquette de leurs habits les définissent: «[Les vêtements mal taillés] propagent l’idée fausse que les gens qui sont grands, petits, gros ou “bizarres” ne devraient pas porter des vêtements à la mode. Ce qui est ridicule, souligne-t-elle auprès de Buzzfeed UK. [...] S’ils pensent que je suis trop grosse pour porter leurs vêtements, ce sont eux qui doivent changer.»
Mise à jour dimanche 19 juin 2016: comme l’a fait remarquer un lecteur, une taille 14 en Grande-Bretagne correspond à du 42 en France (et une taille 16 à du 44), contrairement à ce que nous avions écrit en reprenant les informations du site H&M britannique, où le 14 correspond à du 40 en Europe et le 16 à du 42, le 40-42 correspondant à un tour de taille de 29’’-30’’-31’’. Par ailleurs, sur le site français, ce tour de taille est classé M. Preuve s’il en est qu’il est difficile de s’y retrouver...