Dimanche 12 juin 2016, quelques heures après l'assassinat de quarante-neuf personnes dans une boîte gay à Orlando, le drapeau américain est mis en berne sur tous les bâtiments fédéraux et navires du pays. Barack Obama vient d'annoncer l'état de deuil national pour les quatre prochains jours. Cet exercice solennel par excellence, il le connaît malheureusement par cœur. C'est la soixante-sixième qu'il s'y doit s'y prêter, un record parmi les présidents, rapporte USA Today.
L'accélération de cette pratique présidentielle, qui consiste à hisser le drapeau en haut de son mât avant de la rabaisser immédiatement à mi-hauteur ou juste hors d'atteinte, s'explique en partie par le nombre inédit de tragédies nationales. Nous vous l'expliquions en début de semaine, Barack Obama détient aussi le record du nombre de tueries de masse. De Fort Hood en 2009 à Orlando en juin 2016, ces évènement sont à l'origine de quarante proclamations et soixante-dix neuf jours de deuil. C'est précisément la moitié du nombre total de jours durant lesquels la nation s'est recueillie depuis 2009.
«Mettre les drapeaux en berne sur ordre du président des États-Unis est l’expression symbolique du deuil national, et c’est une façon, symboliquement, de prouver que le pays soutient d’un seul homme la communauté endeuillée», explique-t-on du côté du service de presse de la Maison Blanche.
Les experts de la présidence américaine y voient le signe du renforcement du soft power. Le président y prend des habits solennels, protecteurs, réconfortants. Et cela prend d'autant plus de sens pendant les échéances électorales actuelles. «Les présidents cherchent à trouver le moyen d’unifier le peuple», décrypte Brandon Rottinghaus, professeur à l’université de Houston.
Risque de banalisation
Cette série de proclamations pose néanmoins un dilemme. La Légion américaine, en charge de ces questions, alarme sur l’utilisation désormais personnelle de ce geste. Obama ou non, certains rangent d'eux-mêmes leur drapeau quand la cause leur paraît juste. Dès lors, comment ne pas banaliser le geste, et conserver cette dimension sacrée?
Josh Earnest, le responsable presse de Barack Obama, s’est notamment confronté à la question après le meurtre de quatre militaires, le 16 juillet 2015, lors d’une double fusillade près de Chattanooga dans le Tennessee. Le président avait alors attendu cinq jours avant de mettre les drapeaux en berne. Le processus décisionnel reste flou. La Maison Blanche en est consciente malgré les indications données par Dwight D. Eisenhower, à une époque où chaque département s’octroyait plus ou moins le droit d’une telle annonce.
Drapeaux en berne, mode d’emploi
Il existe depuis plus d'un demi-siècle une hiérarchie: le décès d’un président entraîne un deuil d'un mois alors que celui du vice-président, du président de la Cour suprême (la plus haute magistrature) ou du porte-parole de la Maison Blanche nécessite dix jours.
Chaque président s’est également permis quelques ajustements. John Fitzgerald Kennedy fut, par exemple, à l’origine des hommages rendus aux morts pour la patrie. Bill Clinton rendit lui le premier hommage aux citoyens tués lors d’attentats sur le territoire ou à l’étranger, comme aux ambassades du Kenya et de la Tanzanie en 1998.
Le plus grand réformateur reste néanmoins George W. Bush. Pour le 11 septembre 2011, il instaura six jours de deuil national avant d’en ajouter six autres. Il organisa ensuite une cérémonie à Camp David – le lieu de villégiature officiel de la présidence– pour le rétablissement du drapeau. Bush fils fut aussi le premier à mettre les drapeaux en berne lors de catastrophes naturelles, qu'elles surviennent aux États-Unis (ouragan Katrina en 2005) ou à l'étranger (tsunami de 2004).