Dans la vie, nous faisons parfois de mauvais choix. Et souvent, ces choix reposent sur des préjugés –ou des «biais cognitifs intrinsèques»– à cause desquels, même si tout nous dit que nous avons tort, nous allons avoir tendance à persévérer dans l’erreur. Pourquoi? Parce que le coût de la correction est supérieur, pour notre cerveau, au bénéfice qu’il en escompte.
Telle est l’une des conclusions d’une étude en passe d’être publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Menée au Japon, aux États-Unis et en Grande-Bretagne par une équipe de cinq chercheurs en sciences cognitives dirigée par Arman Abrahamyan, de l’Université de Stanford, elle s’intègre dans des recherches sur l’apprentissage adaptatif –le fait que, dans un contexte d’incertitude, le cerveau s’adapte en calculant la balance coût/bénéfice d’une action en fonction des expériences passées. Un réflexe qui peut littéralement nous sauver la vie.
Le revers de la médaille, c’est que, lorsque des préjugés sont ancrés dans notre cervelle, parce qu’il nous ont été bénéfiques par le passé –à l’échelle de notre histoire individuelle et, surtout, évolutive–, il est atrocement difficile d’en changer, même s’ils nous poussent à prendre une mauvaise décision.
Apprendre à faire le bon choix
Pour examiner ce phénomène, les scientifiques ont élaboré un processus expérimental assez simple: devant un écran d’ordinateur, leurs participants devaient prédire l’apparition d’un point lumineux (à gauche ou à droite), en fonction de ses localisations précédentes.
Dans une première expérience, cette localisation était totalement aléatoire, pour permettre d’évaluer les biais personnels des volontaires –préféraient-ils inconsciemment la gauche ou la droite? Ces préjugés établis, les scientifiques allaient demander à leurs cobayes d’effectuer la même tâche, sauf que la localisation du point lumineux était cette fois-ci déterminée par un modèle probabiliste, prenant à la fois en compte les différentes localisations du point et les choix des participants. Une seconde expérience grâce à laquelle les scientifiques allaient pouvoir analyser la propension des sujets à modifier leurs prédictions en fonction des leçons de l’expérience et observer l’effet considérable des préjugés sur la prise de décision.
On notera que ce travail confirme les vertus déjà connues de l’éducation sur la modération de la force des préjugés: les participants ayant poursuivi des études jusqu’au doctorat ou équivalent étaient les plus susceptibles de modifier leur prédiction si la précédente était incorrecte. Une atténuation qui reste cependant limitée –même après avoir effectué la tâche des milliers de fois, la grande majorité des participants n’allaient pas réussir à apprendre à faire le bon choix, qu’importe leur niveau scolaire.
Pour les scientifiques, le phénomène relève d’un biais de confirmation inconscient: quand l’environnement est d’équerre avec nos préjugés, nous lui faisons confiance. Par contre, s’il y a conflit entre la réalité et nos préjugés, ce sont ces derniers qui auront probablement le dernier mot. Tant pis s’ils nous mènent droit dans le mur.