De la réflexion naît l’action, philosophe Snoopy à l’occasion. Les cogitations de Nicolas Hulot le poussent dangereusement à se mettre en marche pour l’élection présidentielle de 2017. L’écologiste préféré des Français en reste certes, pour l’instant, au précautionneux stade de «l’instruction de l’opportunité d’un choix plutôt qu’un autre».
Pour autant, comme l’a remarqué le sagace Noël Mamère, le simple fait d’être passé, de son propre aveu, du stade de «l’hésitation» à celui de la «réflexion» montre que l’idée d’une candidature de Monsieur Hulot fait son chemin. Ses craintes légitimes face à l’épreuve du feu électoral pèseront peut-être moins que la puissante logique de situation qui le porte dans la période actuelle.
Hulot est longtemps resté traumatisé par son échec, face à Eva Joly, lors de la primaire écologiste de 2011, où le moins qu’on puisse dire est que ses adversaires ne l’avaient pas ménagé. C’était l’époque où l’ancien présentateur d’«Ushuaïa» avait encore la réputation d’un écologiste à paillettes dans l’esprit de beaucoup de militants.
La voie verte est libre
Le refus de Hulot d’entrer au gouvernement sous la présidence de François Hollande ainsi que son obstination à creuser le sillon écologiste, au besoin en changeant de charrue, ont incontestablement bonifié son image. Désormais, c’est toute la galaxie écologiste, pourtant experte en anathèmes et divisions, qui semble disposée à se rallier à son panache sans baragouiner.
Les deux personnalités écologistes qui ont assuré les meilleures performances électorales de ce courant, Daniel Cohn-Bendit (16,3% des suffrages exprimés aux européennes de 2009) et Noël Mamère (5,3% à la présidentielle de 2002), se sont publiquement prononcées en sa faveur. Son ancienne opposante elle-même, Eva Joly, estime aujourd’hui qu’il ferait «un très bon candidat». Et Corinne Lepage, l’une des incarnations du modérantisme écologique, le qualifie tout bonnement de «superbe représentant de l’écologie».
Extrêmement affaibli par une ribambelle de défections, EELV n’est au demeurant plus guère en mesure d’imposer la candidature de Cécile Duflot à l’élection présidentielle. Après s’être laborieusement préparée à participer à l’épreuve suprême, l’ancienne ministre du Logement est prête à s’effacer devant Hulot. Il est vrai que le parti écologiste est sorti fragilisé de son récent congrès, où la direction n’a été soutenue que par une courte majorité des militants.
La soif de renouvellement
La candidature Hulot n’est cependant pas seulement propulsée par le fait qu’il est aujourd’hui le seul écologiste à pouvoir représenter efficacement cette sensibilité au scrutin phare de la Ve République. Elle bénéficie aussi de l’aspiration, de plus en plus répandue, à un profond renouvellement du personnel politique en France.
C’est toute la galaxie écologiste, pourtant experte en anathèmes et divisions, qui semble disposée à se rallier à son panache sans baragouiner
À en juger par les candidatures connues ou probables, le tournoi élyséen de 2017 a toutes les (mal)chances d’opposer des redoublants de la présidentielle, comme François Hollande, Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, voire des vétérans de la vie politique, tel Alain Juppé. Or le souhait de voir émerger une candidature nouvelle, de préférence non issue des partis politiques, est partagé par un très grand nombre d’électeurs.
Cette aspiration est portée, entre autres, par les groupes à l’origine de la «primaire des Français». La plateforme citoyenne, d’inspiration rénovatrice et écologique, qui fédère cette initiative ne gênerait guère, sur le fond, le candidat Hulot. On l’imagine aisément répondre aux désirs des quelque 72.000 signataires de cette pétition... à ce détail d’importance près que Hulot n’est nullement disposé à se prêter à l’exercice d’une quelconque primaire.
Un vrai espace politique
Tout ceci laisse penser qu’une candidature Hulot pourrait occuper un espace politique non négligeable l’année prochaine. La crise écologique fait partie des grands enjeux de l’époque et il serait judicieux qu’elle soit portée par un candidat d’envergure. De par son profil, Hulot pourrait présenter concrètement un changement du modèle de société en s’appuyant sur la somme des innovations écologiques et sociales qui jaillissent du terrain.
Son inexpérience politique le conduirait inexorablement à bien des erreurs, tout en lui permettant d’offrir une précieuse fraîcheur sur la scène électorale. Après tout, les gaffeurs peuvent forcer l’écoute dans notre démocratie désabusée, pour peu que la maladresse de leurs propos soit puisée dans une insoupçonnable sincérité.
On comprend pourquoi la pétition appelant à une candidature Hulot a déjà dépassé les 54.000 signataires. Un tiers des électeurs souhaiteraient le voir figurer sur la ligne de départ de la présidentielle de 2017. Selon la même enquête Odoxa, un quart d’entre eux pourraient même voter pour lui.
En intentions de vote potentielles, Hulot est évalué aux alentours de 10% des suffrages, ce qui n’est pas négligeable comme point de départ. Il existerait certainement un créneau électoral entre un François Hollande au conformisme droitisé et un Jean-Luc Mélenchon porteur de radicalité révolutionnaire.
Reste l’inévitable «cruauté» du combat politique que semble beaucoup craindre Hulot. C’est sans doute ce prix à payer pour faire avancer ses idées qui peut faire reculer l’agitateur écologiste. Mais s’il devait finalement renoncer par peur de la bagarre, Hulot s’exposerait au risque d’être longtemps taraudé par le remords d’avoir laissé filer une aussi belle occasion de servir son idéal.