C'est vrai, c'est «moins pire» et tant mieux. Même si on ne peut parler de reprise, les clignotants de l'économie sont un peu moins rouges qu'au printemps. Dans sa note de conjoncture d'octobre, par exemple, la Banque de France note que «le taux d'utilisation des capacités de production s'est légèrement accru, mais est demeuré à un niveau encore faible», et que «les carnets ont poursuivi leur redressement tout en restant nettement inférieurs à la normale». Pas d'euphorie: concernant les carnets de commandes qui donnent une idée de l'activité à venir, le solde d'opinion des chefs d'entreprises interrogés par la Banque de France était encore négatif de 30 points le mois dernier, soit toujours 20 points plus bas qu'il y a juste un an.
Défaillances plus nombreuses
Par ailleurs, si l'on considère l'indicateur de la Coface sur les défaillances d'entreprises, septembre a été très lourd (6.600 fermetures) avec une augmentation de 12% par rapport à septembre 2008, après une hausse de 15% en août. Alors certes, la situation se stabilise un peu, mais on est toujours loin du redressement. Surtout pour les petites entreprises qui restent les plus fragiles. C'est logique: tant que les donneurs d'ordre - à savoir les plus grosses entreprises - ne verront pas leurs carnets de commandes se garnir à nouveau, les petites et moyennes entreprises - qui sont souvent les sous-traitants des premières - ne pourront se renflouer. Et compte tenu de l'inertie du système, le redémarrage qui n'a pas commencé ne pourra être que progressif. Ce qui explique pourquoi le marché de l'emploi n'a pas encore touché le fond.
Un «record» de créations illusoire
Pourtant, dans le même temps, l'Insee fait état pour septembre d'une progression de plus de 38% des créations d'entreprises pour septembre dernier par rapport à août. Y aurait-il une France à deux vitesses dans la démographie des entreprises? Bien sûr que non.
Il convient de dissocier les entreprises nouvelles des auto-entrepreneurs, tout à fait respectables et dignes de reconnaissance mais qui ne sont pas à l'origine de la même création de richesses que les premières pour le pays. Si «record historique» dans la création d'entreprises il y a, c'est juste grâce aux 32.000 nouveaux auto-entrepreneurs qui sont venus s'ajouter aux 24.500 entreprises créées le mois dernier. Par rapport à août - qui était particulièrement mauvais - la croissance n'est plus que de 21%, auto-entrepreneurs non compris. Et par rapport à septembre 2008 (26.900 créations), les nouvelles entreprises ont été plutôt un peu moins nombreuses (de l'ordre de 10%) le mois dernier.
Un amalgame pour une économie souriante
Personne ne conteste qu'un début d'amélioration soit perceptible; c'est la traduction des meilleures statistiques de septembre par rapport à août. Toutefois, on ne pourra légitimement parler de reprise lorsque les créations nouvelles commenceront à compenser le creux de quatre trimestres d'affilée, entre octobre 2008 et août 2009. Et il est certainement prématuré de se féliciter sans nuance de la création de 424.200 entreprises depuis le début de l'année, en omettant de préciser que ce total comprend 230.600 auto-entrepreneurs - dont la moitié n'a encore procédé à aucune facturation!
Il ne s'agit pas que d'un débat de chiffres: sur la base de cet amalgame, Bercy présente l'année 2009 comme meilleure que 2008. On le souhaiterait! Mais en comparant des données comparables, on voit que le nombre d'entreprises nouvelles en 2009 (193.600 sur neuf mois, hors auto-entrepreneurs) a malheureusement peu de chances sur l'année de dépasser celui de 2008 (325.700 d'après les statistiques présentées par Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce et des PME, en janvier 2009). Et que la fabuleuse progression du nombre des créations - à vrai dire trop belle pour être vrai - ne peut être utilisée telle quelle comme indicateur de reprise.
Davantage de réalisme pour plus de crédibilité
On peut aussi considérer que les rangs fournis des auto-entrepreneurs ne font que refléter l'accélération des réductions d'effectifs, et la démarche d'anciens salariés pour créer leur propre emploi (par goût ou par nécessité). Ce qui donne un éclairage bien différent à l'interprétation des chiffres. Quant aux salariés ou aux retraités qui adoptent, en plus de leur situation, ce nouveau statut, ils ont ainsi la possibilité de trouver des compléments de revenus tout à fait légitimes mais qui ne peuvent être assimilés à l'activité d'une entreprise.
Loin de parler de record historique qui additionne des structures bien différentes, on peut malgré tout souligner que, après avoir touché un point bas en avril et avoir ensuite stagné jusqu'au milieu de l'été, les créations d'entreprises (SARL, SA...) immatriculées au registre du commerce et des sociétés, reprennent du poil de la bête. Ce qui est plus réaliste, et à ce titre encore plus encourageant.
Gilles Bridier
Image de une: CC Flickr Eneas