Paris, Parc des Princes
Vu des tribunes, on avait l'impression qu'il était partout sur le terrain. Chaque ballon qui trainait, chaque passe un peu trop imprécise ou pas assez appuyée qui était dans son secteur finissait dans ses pieds. Ajoutez à cela des relances plus sublimes les unes que les autres, un calme à en faire rêver les plus grands et un but splendide et décisif, et vous comprenez aisément pourquoi Luka Modric a été élu homme du match de cette rencontre entre la Turquie et sa Croatie, ce dimanche 12 juin au Parc des Princes.
Le numéro 10 croate aura été dans quasiment tous les bons coups, dix-huit ans après la plus belle campagne du tout jeune pays, en Coupe du monde. De quoi subjuguer son entraîneur, et rappeler de beaux souvenirs aux supporters croates à l'issue de la rencontre. En 1998, pour sa première Coupe du monde, la Croatie avait fait figure d'invité surprise en terminant à la troisième place.
On ne saura jamais ce qui se serait passé si Lilian Thuram n’avait pas choisi cette demi-finale pour inscrire les deux seuls buts de sa carrière en sélection nationale, mais pour l'ancien sélectionneur Miroslav Blazevic, les Croates étaient alors en mesure de gagner ce Mondial.
«Si l'on n'avait pas eu ce que j'appelle un “accident sportif”, on aurait pu gagner la Coupe du monde. Le Brésil n'avait jamais été si faible. Mais même après tout ça, le pays était heureux et fier de notre parcours. Quasiment personne n'avait imaginé que nous finirions à la troisième place.»
Une troisième place et un Soulier d'or
Pour réussir cela, les Croates avaient sorti la Roumanie en huitièmes, avant de stupéfier une bonne partie de la planète football en renvoyant l'Allemagne chez elle sur une victoire sans appel au tour suivant: 3 à 0. Les Croates ont finalement battu les Pays-Bas dans le match pour la troisième place, et Davor Suker, alors attaquant du Real Madrid avait quitté l'hexagone avec le Soulier d'or, qui récompense le meilleur buteur de la compétition (six réalisations).
Grâce à cette troisième place, le monde a commencé a mieux connaître notre pays. Et puis c'était en France, comme cet Euro. J'espère que ça nous portera chance
Luka Modric
Cette nouvelle génération de joueurs croates a grandi avec les images de ce parcours incroyable. Luka Modric est notamment revenu dessus, dans un entretien avec le quotidien espagnol Marca, quelques jours avant le début de cet Euro:
«J'étais chez moi, à Zadar, et je regardais les matchs avec mes amis et ma famille en soutenant l'équipe. C'était très spécial, parce que la Croatie a réalisé un immense Mondial, et il n'a pas manqué grand chose pour aller en finale. Mais finir troisième était historique et ce qu'ils ont fait était extraordinaire. Grâce à cette troisième place, le monde a commencé a mieux connaître notre pays. Et puis c'était en France, comme cet Euro. J'espère que ça nous portera chance. Peut-être que l'on pourra répéter un tel résultat.»
Même chose du côté d'Ivan Rakitic, le joueur du FC Barcelone qui a pourtant grandi en Suisse, et que la sélection croate est allé chiper aux Helvètes, alors qu'il n'avait que 19 ans.
«On veut faire comme la Croatie de Boban et Suker.»
Mais comme le note le joueur du Real Madrid, s'ils veulent effectivement refaire le coup de leur aînés, il est difficile de faire la comparaison entre la Croatie d'hier et celle d'aujourd'hui.
«Je n'aime pas parler des époques différentes. Chaque sélection avait ses forces et ses faiblesses. Je n'aime pas comparer.»
«Les demi-finales, ce serait parfait»
Néanmoins, quand on écoute les anciens de la sélection croate, on comprend qu'ils misent beaucoup sur cette génération, comme Robert Prosinecki, aujourd'hui sélectionneur de l'Azerbaïdjan:
«J'espère qu'ils pourront faire mieux que nous et peut-être gagner l'Euro! [...] Chaque année de nouveaux talents arrivent et finissent dans de grands clubs. Modric au Real Madrid, Rakitic, Mandzukic, Kovacic, et Brozovic à l'Inter... Ils jouent tous pour quelques-unes des meilleurs équipes du monde. Je pense que c'est une génération talentueuse et qu'ils peuvent faire quelque chose à l'Euro. Ils auront besoin d'un peu de chance. D'autres facteurs auront peut-être une influence, mais j'espère ils feront mieux que nous. Ça ne va pas être facile, de nombreuses autres équipes se sont améliorés, mais cette génération peut faire quelque chose de bien. Les demi-finales, ce serait parfait.»
Tous leurs supporters n'étaient pourtant pas aussi optimistes avant le début de la rencontre. Certains, comme Ante, croisé dans le métro, évoquent notamment le problème du sélectionneur, Ante Cacic, pas à sa place à ce poste, estime-t-il. Pour un autre groupe de supporters croates, rencontré autour du Parc des Princes, le sélectionneur croate est «nul». D'autres évoquent la corruption et la favoritisme qui gangrènent la fédération croate. Alors, ils espèrent que les joueurs compenseront et estiment que les quarts de finale serait déjà un très bon résultat.
D'autant que comme le rappelle Bein Sports, la Croatie n'avance plus masquée. Elle doit aujourd'hui «faire avec un costume d'outsiders redoutables». Si elle n'était pas vraiment attendue en 1998, ce n'est pas vraiment le cas de celle de 2016.
Mais rien que pour voir Luka Modric jouer quelques matchs de plus, et continuer de rayonner au milieu de terrain, on espère que ces Croates resteront en course le plus longtemps possible. Pour cela, il faudra prendre des points lors du prochain match ce vendredi 17 juin face à la République Tchèque, un adversaire que le sélectionneur Ante Cacic redoute beaucoup plus que les Turcs.