Cette idée était devenue une évidence. L’économie des données (des datas) était la clé de développement de toutes les entreprises liées au numérique et même de l’avenir de cette industrie. Ceux qui n’investisseront pas suffisamment dans des outils pour recueillir, analyser en temps réel et exploiter des masses de données sont condamnés. Mais les choses sont en train de changer très vite explique Quartz.
Les datas ont toujours une grande valeur économique pour qui sait les exploiter mais elles sont aussi en train de devenir un très grand risque, juridique et d’image, pour les sociétés qui les utilisent et les stockent. Cela signifie «que dans l’avenir, les sociétés de données ne vont plus les détenir. Elles vont juste gérer leur flot».
Les citoyens consommateurs n'ont pas confiance
Cela fait maintenant près de trois ans qu’Edward Snowden a révélé l’ampleur de la surveillance dont nous faisons tous l’objet et les citoyens de par le monde ont de plus en plus conscience des dangers de la récupération et de l’utilisation incontrôlées de leurs données personnelles. Selon une étude récente citée par la Harvard Business Review, 97% des consommateurs aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Inde et en Chine craignent que les entreprises et les gouvernements utilisent leurs données personnelles à leur détriment.
La confiance est un élément essentiel de la relation entre les consommateurs et les entreprises. Mais il ne s’agit plus seulement de la confiance dans la capacité d’une société à fournir des produits et des services de qualité, mais aussi dans son éthique et dans sa façon de gérer les données qu’elle récupère sur ses clients. Une autre étude internationale montre que les trois-quarts des consommateurs ne font pas confiance aux entreprises sur la gestion de leurs données personnelles.
Obtenir le consentement
Cette défiance et cette crainte ont d’ores et déjà un coût considérable. Selon des données qui remontent à l’année 2015, près de 200 millions d’ad-blockers étaient installés dans le monde privant les diffuseurs en ligne de plus de 20 milliards de dollars de revenus par an. Même les utilisateurs de Facebook prennent parfois des mesures radicales pour protéger leurs données personnelles et un million d’entre eux accéderaient au réseau social via le «dark web».
Pour recueillir et utiliser les datas, les entreprises vont être contraintes, c’est d’ores et déjà le cas en Europe, d’obtenir le consentement des consommateurs. Le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles (REDP), entré en vigueur il y a un mois, donne aux personnes physiques une douzaine de droit sur le contrôle de l’utilisation de leurs données personnelles et l’accès à ce que stockent les entreprises. Le consentement au recueil et à l’utilisation des données ne peut plus être implicite. Et en cas de manquement, les sanctions ne feront plus rires : jusqu’à 4% du chiffre d’affaires.
La méthode qui consistait jusqu’à maintenant pour les entreprises du numérique à «collecter aujourd’hui et voir plus tard ce qu’on va en faire» devient une stratégie trop risquée.
L’autre grand changement prévisible est la portabilité des données. Les entreprises vont devoir être capables de donner aux consommateurs une copie des données qu’elles possèdent sur eux.
«L’innovation ne va plus venir maintenant d’une meilleure utilisation des datas ou de la promesse de plus de transparence, elle doit venir d’une reconstruction fondamentale de l’échange et de la possession des données», explique Quartz. Ce sont les réseaux qui vont devenir importants. Au lieu d’agréger des datas dans des centres obscurs, les données resteront au niveau des personnes qui décideront de les partager quand cela leur permettra d’avoir un meilleur accès à des produits ou des services un peu comme avec Uber et Airbnb.
La combinaison des craintes légitimes des citoyens, de nouvelles régulations et du modèle économique des réseaux condamne l’utilisation centralisée et massive et indiscriminée des données personnelles. C’est très certainement une bonne nouvelle.