Sur les réseaux sociaux, partager des théories du complot et/ou des «faits» pseudoscientifiques sur le virus Zika pourrait gravement nuire à la lutte contre la maladie. C’est la conclusion qui redonne pas trop trop foi en l’humanité d’une étude en passe d’être publiée dans la revue Vaccine et disponible en ligne depuis le 20 mai.
Menée par Mark Dredze, David A. Broniatowski et Karen M. Hilyard, chercheurs respectivement en analyse sémantique à l’Université Johns-Hopkins, en ingénierie des systèmes à l’Université George-Washington et en santé publique à l’Université de Géorgie, elle se fonde sur l’examen de 140.000 tweets échangés entre le 1er janvier et le 29 avril 2016.
Et ce qu’elle trouve, c’est que les personnes enclines à croire et à faire croire que l’augmentation de l’incidence des microcéphalies infantiles est due à un pesticide (commercialisé par une firme dont un réceptionniste aurait un jour croisé un employé de Monsanto dans le métro), que le virus est un effet secondaire de vaccins existants (qui rendent par ailleurs autistes et intolérants au gluten) ou encore qu’il est la création machiavélique de laboratoires pharmaceutiques ayant inventé la maladie pour pouvoir refourguer ni-vu-ni-connu-j’tembrouille leurs médicaments (un business-plan validé par les Illuminatis) sont les mêmes chez qui le risque de pâtir du virus est le plus élevé. Des effets qui, eux, sont bien réels et ne cessent de gagner en gravité à mesure que les connaissances progressent.
Communautés vulnérables
«Même si la science est relativement claire, explique David Broniatowski, nous avons trouvé beaucoup de théories du complot susceptibles de nuire aux décisions de santé des gens concernés, notamment en matière de vaccination. Et, malheureusement, les gens les plus touchés appartiennent aux communautés les plus vulnérables, ayant peu d’accès aux faits.»
«Une fois que les gens se sont fait une opinion, complète Mark Dredze, il est très difficile pour eux d’en changer» –un phénomène de résistance cognitive que les psychologues et autres épidémiologistes des croyances connaissent bien:
«J’aurais été surpris si ce genre d’histoires [disséminées sur les réseaux sociaux] n’avait eu absolument aucun impact et je ne pouvais pas non plus imaginer qu’elles aient pu pousser les gens à prendre de meilleures décisions sur un plan sanitaire.»
Selon les chercheurs, les autorités et experts en santé publique pourraient mettre à profit ces analyses sémantiques en quasi-temps réel pour répondre au plus vite aux questions que les populations peuvent se poser et déconstruire au mieux les mensonges et autres affirmations non scientifiques susceptibles de circuler sur le marché dérégulé de la connaissance, pour paraphraser Gérald Bronner.