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Nabilla et Jeremstar sont les stars les plus fascinantes de Snapchat

Temps de lecture : 7 min

Les deux stars issues du monde de la téléréalité redéfinissent le storytelling de la banalité quotidienne.

Mercredi 25 mai au soir, alors que 4,72 millions de téléspectateurs suivaient les malheurs de Meredith dans Grey’s Anatomy sur TF1, un autre feuilleton tout aussi palpitant se déroulait sur Snapchat. Nabilla Benattia, l’ex-vedette de téléréalité fraîchement débarquée sur l’application de photos et de vidéos éphémères, raconte à ses fans la galère dans laquelle elle vient de tomber.

Après un passage chez le coiffeur, elle et son compagnon conduisent paisiblement leur Range Rover lorsque, tout d’un coup, c’est le drame: alors qu’il leur reste 50 kilomètres à parcourir, le niveau d’essence indique 20 kilomètres d’autonomie. Une catastrophe dans le climat de pénurie actuel. «En gros, on est dans la merde», résume son petit ami Thomas Vergara dans l’un des snaps. La jeune femme va alors filmer et raconter chaque instant de leur parcours du combattant à la recherche d’une station essence ouverte, allant même jusqu’à remercier François Hollande pour la crise.


À un moment, son petit ami, pourtant lui aussi très accro à Snapchat, intervient pour lui demander d’économiser sa batterie en cas de panne plutôt que de parler avec ses fans. Cet échange est survenu sans prévenir mais Nabilla va quand même en publier la vidéo et continuer à snapper pour tenir informés ses abonnés, qu’elle appelle «mes petits shampoings» (en référence à la phrase un peu téléphonée qui l’a rendue célèbre). Ainsi, elle leur offre un moment qui peut sembler, en apparence, complètement authentique. La narration du drame était si exacerbée que certains abonnés ont même essayé de l’aider à trouver du carburant.

Procès et visite chez la grand-mère

Ce moment, même éphémère, n’est qu’un instant surréaliste parmi d’autres sur le compte de la jeune femme, qui n’est pourtant actif que depuis deux semaines, Nabilla s’étant inscrite à Snapchat le 16 mai. Le 19 mai, nous avons relayé la story de son passage au tribunal de Nanterre, où elle est jugée «pour violences volontaires aggravées sur son conjoint Thomas Vergara, qu’elle est accusée d’avoir attaqué à coups de couteau en 2014».

En soi, un procès pour ce genre de fait divers est tristement banal. Mais, là encore, les snaps de Nabilla montrant des insignes de policier, la foule de journalistes qui l’attend, un avocat accompagné d’un émoticône blasé ou des messages livrant ses sentiments… constituent quelque chose d’inédit dans le sens où jamais une star n’avait dévoilé d’elle-même les travers de sa propre vie.

En osant se montrer dans des situations peu avantageuses, comme le ferait n’importe utilisateur de Snapchat et en devenant la réalisatrice d’un film sans montage ou presque de son quotidien, Nabilla livre un récit brut et fascinant

En devenant la réalisatrice d’un film sans montage ou presque de son quotidien, Nabilla livre un récit brut et fascinant, que l’on ne pourrait pas obtenir autrement. Au quotidien, elle régale ses fans grâce à ses étourderies plus ou moins volontaires (elle montre la statue du général de Gaulle et explique qu’il a construit l’aéroport à son nom), ses utilisations des filtres de visage ou ses moments plus personnels avec son petit-ami, sa grand-mère ou son chien, tous les trois déjà populaires sur les réseaux sociaux.

Le nombre de vedettes françaises inscrites sur Snapchat grimpe petit à petit mais très peu de personnes osent se dévoiler autant que Nabilla et montrer un visage différent que celui diffusé sur les autres réseaux sociaux. Sur des comptes comme celui d’EnjoyPhoenix par exemple, le cadre est travaillé et la jeune YouTubeuse beauté fait souvent attention à son image et à ses propos (à quelques snaps près). Nabilla, elle, ose se montrer dans des situations peu avantageuses, comme le ferait n’importe utilisateur de Snapchat.

Recouvert de crème dépilatoire devant 1 million de gens

Actuellement, le maître en matière de dévoilement s’appelle Jeremstar, qui dévoile depuis de nombreuses années les coulisses de la téléréalité sur son site et raconte sa vie de star à plus d’un million d’abonnés sur Snapchat. Ses stories, qui comportent des dizaines de snaps chaque jour et sont visionnées 800.000 fois environ, proposent à ses fans de suivre les récits complètement fous de sa vie de vedette: trajets en Uber, séances de dédicaces de son livre, soirée VIP dans les boîtes de nuit...

Jeremstar va même plus loin que Nabilla question pudeur puisqu’il se montre régulièrement nu (mais jamais complètement). On l’a vu ainsi inonder la baignoire d’un hôtel et glisser sur la mousse répandue sur le sol de la salle de bain.


Dans une autre story, on le retrouve nu et recouvert de crème dépilatoire en train de courir dans les couloirs d’un hôtel. Quelques snaps plus loin, son amie et lui réalisent qu’ils ont oublié de prendre la clef de la chambre. Coincés dans le couloir, les deux personnages se livrent en direct et sans détour à des fans hilares.

La force de Jeremstar, tout comme Nabilla, est qu’il arrive à transformer le quotidien, même banal, en contenu humoristique

L’autre force de Jeremstar, tout comme Nabilla, est qu’il arrive à transformer le quotidien, même banal, en contenu humoristique. C’est ainsi qu’il a créé des tics de langage que ses fans reprennent au quotidien: «je hurle», «plus loin» ou encore «poule pondeuse» sont devenus des cris de ralliement. Souvent, le jeune homme se sert des outils proposés par Snapchat comme le crayon, les emojis et bien sûr les filtres qui déforment ou transforment le visage. Mi-mai par exemple, il jouait avec ces fameux filtres de l’application lors d’une visite chez sa grand-mère, comme le feraient d’autres anonymes avec leur famille.

Stratégie de com’ jamais bien loin

Nabilla et Jeremstar symbolisent à eux seuls la façon dont les réseaux sociaux ont bouleversé l’échelle de proximité entre une star et ses fans. Dans son livre La souveraineté du people (Gallimard), le sociologue et journaliste Guillaume Erner écrit que «les réseaux sociaux contribuent à construire un lien direct entre les people et leur public. Cette forme de lien renforce encore l’impression de proximité; il est possible de s’adresser à ces gens d’une manière beaucoup simple qu’auparavant où, au mieux, les fans disposaient d’une boîte postale de fan-club. […] Tous ces dispositifs donnent une impression de familiarité».

Sauf que Snapchat dépasse largement Facebook, Twitter ou Instagram quand il s’agit de créer cette fameuse familiarité. Comme nous vous l’expliquions à l’occasion du Festival de Cannes, Snapchat pousse les vedettes à se prendre elles-mêmes en photo, à cumuler les snaps pris sur le vif et à les envoyer dans la seconde, sans réfléchir.

Snapchat donne le sentiment d’être l’ami du people

Résultat: des personnes comme Nabilla ou Jeremstar redéfinissent avec Snapchat le storytelling entourant la vie rêvée des people, en la démystifiant complètement. Oui, Nabilla ne peut pas sortir de chez elle sans être prise en photo, mais elle tient à montrer qu’elle galère aussi pour trouver de l’essence. Oui, Jeremstar est suivi par une flopée de fans à chaque sortie publique, mais il tient à montrer qu’il galère aussi en s’épilant. Et Snapchat est l’outil idéal pour donner une image décalée, drôle, sans prise de tête et donc valorisante.

En laissant croire aux fans qu’ils sont avec leur idole au quotidien et à portée de clic, l’affection que ces derniers lui portent ne peut en être que renforcée. Snapchat donne le sentiment d’être l’ami du people.

Mais bien évidemment, la logique du «les stars sont comme nous» ne tient pas complètement la route. Tout ce storytelling s’inscrit aussi dans une stratégie de communication finement menée. Entre le procès et la publication de son livre très attendu, Nabilla voulait maîtriser sa nouvelle image, loin du stéréotype de la bimbo, et prouver qu’elle pouvait répondre avec sérieux et application aux questions du journaliste de «Sept à Huit» lors d’un entretien-confession. Jeremstar a lui aussi le besoin d’affirmer le sérieux de son métier, au-delà de son personnage fantasque. Car, dans la vraie vie, il ne correspond pas à cette image; il suffit de regarder depuis quelques semaines les interviews très sérieuses données pour la promotion de son livre, ouvrage parodique sur le monde de la téléréalité.

L’énorme communauté de fans derrière eux sert aussi ce mouvement de communication auprès de médias forcément passionnés à l’idée d’étudier des phénomène capables de soulever les foules. Normal donc que des personnalités entretiennent une relation aussi proche avec leur fans, qu’elle soit entièrement sincère ou non. On aura beau dire ou penser ce que l’on veut de Nabilla ou Jeremstar: ils ont compris comment marche internet. Et c’est ce qui les rend d’autant plus fascinants.

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