Ils s’appellent Ted et James Dresnok. Ils parlent le nord-coréen à la perfection et arborent fièrement sur leurs vêtements, au niveau du cœur, les insignes de Kim Il-sung et Kim Jong-il, les deux premiers leaders de la Corée du Nord. Contrairement à leur père, James Joseph Desnok –un soldat de l’armée américaine, originaire de la ville de Richmond, ayant déserté en 1962–, les deux frères sont nés à Pyongyang, la capitale nord-coréenne, et n’ont jamais mis les pieds dans le pays qui a vu grandir leur père.
Avant la publication d’une interview filmée, diffusée le 21 mai par une agence de presse pro-Kim Jong-un installée aux États-Unis, où les deux frères prennent la parole pour parler de leur parcours, de l’hostilité américaine envers le régime nord-coréen, de leur père et de leurs rêves pour le futur de leur pays, personne n’avait vraiment entendu parler de leur rôle au sein du régime. C’est désormais chose faite. L’interview dévoile la nature de leurs missions au service de la Corée du Nord: ils sont devenus les nouvelles «stars de la propagande» du régime de Kim Jong-un, explique le Washington Post, qui leur consacre un article.
Armée, politique et films d’action
James, le plus jeune des deux, officie dans l’armée nord-coréenne à un rang équivalent à celui de capitaine aux États-Unis. Marié et père d’une fille de 6 ans, il est connu des Nord-Coréens sous le nom de Hong Chol. Ted Dresnok, son frère aîné, explique avoir suivi des cours de langues étrangères au cours de son éducation à Pyongyang, notamment à l’université de la ville, où il a appris l’anglais et le japonais, ajoute The Telegraph. À 36 ans, il est aujourd’hui marié à une femme nord-coréenne et père d’une fille de 7 ans et d’un fils de 6 ans. Il travaille, quant à lui, dans un organisme d’éducation lié au Parti nord-coréen des travailleurs. En parallèle de ces activités, il leur arrive d’apparaître au casting de films d’action nord-coréens.
James Joseph Dresnok, le soldat déserteur, a eu Ted et James avec Doina Bumbea, une femme d’origine roumaine enlevée par la Corée du Nord et décédée en 1997, selon Charles Robert Jenkins, un Américain cité par le Washington Post qui a fait défection en 1965 vers la Corée du Nord avant d’être finalement autorisé à quitter le pays en 2004 pour le Japon. Dans son article, le Washingon Post évoque également l’existence de Tony, un troisième enfant de James Joseph Dresnok, qu’il aurait eu avec une autre femme. Le demi-frère de Ted et James n’était pas présent lors de l’interview, école oblige, expliquent ses deux grands frères au cours de l’entretien.
Détester l’impérialisme américain
L’histoire du père de cette fratrie, James Joseph Dresnok, est plus connue à l’international. Cet ancien soldat américain est rapidement devenu outil de propagande du régime communiste. En 1960, en pleine Guerre froide, il revient d’Allemagne, où il était alors affecté, aux États-Unis et découvre que son épouse le trompe avec un autre homme. Il est alors affecté en Corée comme garde-frontière dans la zone démilitarisée qui sépare la Corée du Nord et la Corée du Sud. Peu de temps après avoir rencontré une femme coréenne, il prend la décision de déserter son unité et de faire défection au nord pour s’y installer durablement. Là-bas, il deviendra une vedette après avoir notamment incarné, au cinéma, le rôle du méchant américain.
Deux ans après la sortie d’un documentaire britannique (Crossing the Line) consacré à sa vie et à sa trajectoire, le Guardian et le journaliste britannique Mark Seddon décrochent une interview rare avec James Joseph Dresnok, en 2008. Il y expliquait ne pas être un traître, pourquoi les Nord-Coréens ont toutes les raisons de haïr les Américains et assurait qu’il ne regrettait en rien sa décision d’avoir fait défection cinquante ans plus tôt:
«Les gens ici, vous voyez, apprennent à détester l’impérialisme américain. Tous ces bombardements! Combien de gens ont-ils massacré? Ils ont tué les Coréens comme des sauvages. Bien sûr, les gens vont détester les Américains.»
On ne sait aujourd’hui pas grand-chose de l’état de santé de James Joseph Dresnok, qui est âgé de 75 ans, conclut le Washington Post. Ce qui semble acquis, en tout cas, c’est que ses fils sont prêts à prendre la relève.