Dans Le Bon Gros Géant, le dernier film de Spielberg présenté hors-compétition à Cannes, l’héroïne Sophie est copine comme chemise avec un mignon matou roux. Quand l’orpheline de 10 ans décide de sortir de son lit en pleine nuit pour cause d’insomnie, laissant trainer sa couverture derrière elle, le chat reste assis sur l’étoffe: bien droit, comme un roi sur son trône ambulant. La scène est amusante, quant au chat, il paraît familier au cinéphile.
La mode cannoise pour le ginger cat hollywoodien a commencé bien avant cette adaptation de Roal Dahl. Précisément lors du festival 2013, dans Inside Llewyn Davis. Incarné par Oscar Isaac, le héros du film de frères Coen sur la scène folk des sixties avait pour partenaire principal Ulysse, un chat roux à rayures. Autrement dit un «Orange Tabby» comme le célèbre héros de BD Garfield, qui d’ailleurs a eu droit à ses adaptations cinéma. À l’époque, grâce à son charisme indéniable, Ulysse avait quasiment volé la vedette à l’humain Isaac, évoquant à certains journalistes la performance mémorable du chien Uggie dans The Artist en 2011. Si la Cat Palm avait existé, Ulysse l’aurait décrochée. Et ce, même s’il était en réalité joué par 6 chats différents.
«Les chats roux passent bien à l’écran»
Depuis, c’est une petite déferlante orange à Hollywood. Le chat de Hunger Games, pourtant noir et blanc dans le premier opus cinéma, a été repeint en fauve pour l’épisode 2, sorti en 2013. Pourquoi? Parce que les fans de la saga littéraire sont à cheval sur les détails concernant l’adaptation sur grand écran. Mais aussi sans doute parce que les chats roux sont cinégéniques. Jim Warren, qui a travaillé sur Inside Llewyn Davis, est formel: «Les chats roux passent bien à l’écran.» Et puis, autre aspect important, ils sont plus facilement interchangeables entre eux, quand vous utilisez plusieurs chats roux pour le même rôle.
Récemment, on a aussi vu un chat roux rayé dans Harry Potter, autre saga inspirée de livres à succès. Crookshanks de son prénom.
Les spécialistes auront remarqué que ce n’est pas un Orange Tabby, mais une matou de race himalayenne, avec son généreux pelage. Celui de Gone Girl en revanche, est bien de la même race que celui d’Inside Llewyn Davis. Baptisé Boris, hyper à l’aise entre Ben Affleck et Rosamund Pike, il crève l’écran dans le brillant thriller conjugal de David Fincher. Le magazine Vogue parle même à son sujet de «repère émotionnel» du long métrage: il observe tout ce qui se trame, en impassible et omniprésent voyeur.
Si l’emploi de cette race de chat parait systématique en ce moment à Hollywood, elle ne date pas non plus d’hier. Il y en avait un joli dans True Grit (Cents dollars pour un shérif), pas le western des Coen, mais celui de 1969 avec John Wayne.
De Diamants sur canapé à Alien
Huit ans plus tôt, dans Diamants sur canapé de Blake Edwards, on pouvait admirer la performance d’Audrey Hepburn, mais aussi de Orangey: véritable star en son temps (il a gagné deux Patsy Awards, les Oscars félins), le rouquin qui trainait une réputation de «chat le plus méchant du monde» à cause de ses fréquents coups de griffes durant les tournages, donnait un beau numéro d’acrobate sur les volets de Hepburn, avant d’affronter vaillamment la pluie.
On a également pu le voir en 1957 dans L’Homme qui rétrécit, le classique du cinéma fantastique de Jack Arnold.
Après un passage à vide dans les années 1970, le orange tabby revenait en force grâce à Ridley Scott et son Alien. Baptisé Jones, il faisait partie des seuls rescapés suite à l’attaque du xénomorphe, avec Ripley, jouée par Sigourney Weaver.
Quatre animaux ont été utilisés pour incarner Jonesy, resté mythique. Ce dernier a tellement marqué l’imaginaire des cinéphiles, qu’une critique de cinéma a même eu l’idée de lui consacrer un e-book (My Day by Jones: A Cat’s-Eye View of Alien) où le film est raconté à travers les yeux du félin. Visiblement doté de plus de 9 vies, le rouquin rayé n’a sans doute pas fini de faire ronronner de plaisir le 7e art.