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Une bonne descente pour les grands crus

Temps de lecture : 3 min

La crise a un effet bénéfique sur le prix des bouteilles.

Au Cinq, le très chic restaurant deux étoiles du Four Seasons George V, le champagne Salon 1996 est à 2.800 euros, au domaine à Mesnil-sur-Oger. La bouteille se vendait à 300 euros environ lors de sa mise en marché. Le Haut-Brion 1989 coûte près de 6.500 euros, soit 76 fois le premier menu à 85 euros, a calculé l'œnophile et collectionneur François Audouze. Le Château Climens 1990, admirable liquoreux de Barsac, est proposé à 1.100 euros, et s'échange à 90 euros chez le revendeur Millésimes à Maussane.

Au Ritz, si l'appétissante pizza vaut 50 euros, le Dom Pérignon 2000 vaut 750 euros, contre 90 euros au domaine à Epernay, la demi-bouteille du champagne de Krug vaut 325 euros, environ 60 euros à la maison mère à Reims; et à l'Arpège, chez le trois étoiles d'Alain Passard rue de Bourgogne (75007), le verre de Cristal Roederer est à 45 euros, un record mondial.Au Meurice, relooké par Philippe Starck, le Dom Pérignon 1996 est à 995 euros, le Cristal Roederer idem, tandis que le Montrachet 2000, considéré comme le plus grand vin blanc du monde, s'affiche à 1.000 euros et le Clos des Mouches blanc 2005 de Drouhin à 260 euros, prix de départ 35 euros environ.

Au Bristol, nouveau trois étoiles, le chef Normand Eric Fréchon concocte des maquereaux et du merlan de ligne au menu à 85 euros, mais la Grande Dame rosée de Clicquot 1998 est facturée 540 euros contre moins de 100 euros à Reims. La Cuvée Grand Siècle de Laurent Perrier à 320 euros, ce qui reste à peu près raisonnable. Mais le Château Lynch Bages 2002 est à 240 euros, prix de départ 30 à 40 euros à Bordeaux, et si l'on regarde les tarifs des crus de légende que le monde entier nous envie, on reste pantois: le Cheval Blanc 1945, premier grand cru de Saint-Emilion dans un millésime historique est à 9.500 euros ; le Pétrus 1961, Pomerol mythique dans l'année du siècle atteint 19.760 euros. Le chef sommelier canadien Marco Pelletier en cherchait, mais c'était avant la crise qui affecte la grande restauration de prestige ( fréquentation en baisse de 30 %).

Pétrus au plus bas

Ces prix vont-ils continuer à s'afficher aussi haut? Pas sûr! A lire les tarifs hors du marché, on comprend que la consommation des grands vins par nos compatriotes soient en voie d'extinction, d'autant que les Russes et les Américains n'ont plus leur rond de serviette dans les monuments de la restauration.

Autre constatation, le prix de ces vins de luxe et de rêve connaissent actuellement une sorte d'effondrement dans les ventes aux enchères. Effet direct de la crise financière, des masses de crus classés déferlent dans les entrepôts des experts et autres commissaires-priseurs qui les dispersent à des tarifs jamais vus. Ni imaginés.

Pétrus, premier visé. Lors d'une vente très importante (1.500 lots) en décembre 2008 au Bristol et à La Varenne Saint Hilaire (94), Pétrus 1980, millésime prêt à boire, a été adjugé 380 euros, Pétrus 1955 (des dizaines de bouteilles) à 500 euros; le 1985, année splendide qui cote 980 euros sur la place de Bordeaux, sera estimé, fin mars, à 540 euros. «J'espère le vendre à 400 euros, rien n'est moins sûr», ajoute l'expert Claude Maratier.

Là où la chute des cours demeure la plus spectaculaire, c'est pour Pétrus 1982, millésime recherché par tous les œnophiles - comme 1965 et 1961 - offert en juin 2008 à 35.000 euros la caisse de 12 bouteilles, tombée à 23.000 euros cet hiver «et c'est encore un prix salé», confesse l'expert.

Des affaires à faire aux enchères

Autre brutale descente, les vins rouges de Marcel Guigal, seigneur de la vallée du Rhône dont les trois crus de Côte Rôtie «La Mouline», «La Landonne» et «La Turque» ne sont pas disponibles à l'amitié à Ampuis mais logés dans des caisses panachées. Si vous voulez un flacon de Mouline 1998, une merveille, obligation est faite d'acheter une caisse de 11 bouteilles comprenant des Côtes du Rhône simples à 10 euros, plus votre cru de Côte Rôtie. La demande de ces nobles rouges de saveur inimitable est mondiale et la production minimaliste (4.000 bouteilles par étiquette environ). La seule possibilité d'accéder à ces magnifiques crus à l'unité, c'est la vente aux enchères et quelques cavistes.

Où souvent, en 2009, la baisse dépasse les 50 % des prix affichés au début 2008. La Mouline 1999, excellent millésime de garde, cotait 550 euros, Claude Maratier le cède à 270 euros, sans broncher. Et en salle des ventes, le vin part difficilement.

Au hasard des catalogues, le réajustement des cotations touche des seigneurs de la viticulture hexagonale (le Château Lafite 1996 à 350 euros, le Château Ducru Beaucaillou 1959 à 80 euros, Haut-Brion 1999 à 120 euros, et pire, les 2005 de Bordeaux en primeur dont les tarifs avaient défié le bon sens: Lafite Rothschild 2005 sorti en 2007 à 1.000 euros, comme le rare Ausone voient leur cote au plus bas - le 2005 du très beau Château Pichon Lalande s'échangerait à 50 euros le flacon, un cadeau).

Voici venu les temps des acheteurs dégustateurs et non plus des spéculateurs abstèmes qui ne boivent que de l'eau.

Nicolas de Rabaudy

Prochaine vente le 20 mars, 9 rue Balzac à La Varenne Saint Hilaire 94210 Expert : Claude Maratier.

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