Parents & enfants

Le gouvernement se réjouit de sa politique sur l'école (et il risque d'être bien seul à le faire)

Temps de lecture : 5 min

Sur le terrain, la réalité ne semble pas beaucoup plus reluisante qu'avant le début du quinquennat.

Manuel Valls, le 3 mai I BERTRAND GUAY / AFP
Manuel Valls, le 3 mai I BERTRAND GUAY / AFP

Il y a quatre ans, Vincent Peillon lançait la Refondation de l’école. En ces premier jours de mai, le ministère de l’Éducation a organisé un «point d’étape» pour mettre sur la table tous les sujets qui ont occupé les débats depuis le début du quinquennat: l’enseignement moral et civique, la citoyenneté, le statut des enseignants, l’éducation prioritaire, l’évaluation, l’orientation, le décrochage, le numérique… et même les rythmes scolaires sur lesquels «on ne pourra plus revenir», dixit Vincent Peillon venu ouvrir ces deux journées.

Certes, pour parler de la réforme du collège, il valait mieux s’adresser aux militants du syndicat majoritaire du secondaire (Snes), réunis ce lundi sur la place de la Bourse, mais beaucoup de tables rondes étaient intéressantes en particulier celle sur la citoyenneté avec l’historien Antoine Prost.

Lors de ces deux jours, le président de la République et le Premier ministre sont venus s’adresser au gratin de l’Éducation nationale et aux invités présents. Une simple opération de communication? Le président le dit lui-même: «Si on ne communique pas, personne ne le fera à notre place.»

Gauche/droite

La ministre Najat Vallaud-Belkacem et ses prédécesseurs ont donc rappellé que ce sont eux qui ont rétabli la formation des enseignants et créé 60.000 postes. Manuel Valls en a profité pour donner le détail de l’augmentation de 800 euros de la prime au enseignant du premier degré (Isae) à la rentrée 2016 puis le président, en ordre de bataille pour l’année qui vient, a sorti l’argument massue: nous, nous donnons des moyens à l’école. Difficile de ne pas entendre çà et là des accents de campagne électorale.

D’ailleurs, il n’est pas malhabile de sa part d’amener les électeurs, parmi lesquels les enseignants, à faire la différence avec la droite de gouvernement. L’éducation est peut-être un des sujets sur lesquels on peut vraiment établir des différences sur les politiques menées, même si de sérieuses nuances existent entre les candidats des Républicains (d’un Juppé plutôt mesuré et convaincant à un Bruno Lemaire plus conservateur qui plaide pour une orientation plus précoce dans le parcours scolaire). Mais surtout, pour cette gauche socialiste, il sera encore longtemps facile d’agiter l’épouvantail des suppressions de postes et de la suppression de la formation des enseignants du mandat Sarkozy.

Le gouvernement a trop peu tenu compte des réalités du terrain […] et de l’attachement des personnels à leur métier et à leur discipline

Frédérique Rolet

Toutefois, des opposants refusent de se laisser enfermer dans ce chantage. Frédérique Rolet, secrétaire nationale du Snes-FSU, rappelle que son syndicat majoritaire dans l’enseignement secondaire avait soutenu François Hollande lors de la précédente élection. Si au vu des programmes des candidats à la primaire en matière d’éducation, le vote à droite n’est pas une option, elle dénonce «une faute politique de la part du gouvernement qui a trop peu tenu compte des réalités du terrain [...] et de l’attachement des personnels à leur métier et à leur discipline».

Salve critique

Le problème pour le gouvernement de ce genre de moments, c’est qu’ils réveillent les opposants –de plus en plus énervés sur la réforme du collège. Comme on peut par exemple en lire sur les réseaux sociaux.


Là où la critique devient plus troublante, c’est qu’alors que tout le monde s’accorde sur la nécessité d’augmenter la rémunération des professeurs des écoles, la fameuse hausse de la prime passe pour du clientélisme voire de l’achat de vote.


Quant aux profs, ils étaient relativement peu nombreux. Et, comme souvent lorsque l’on parle de l’école, les situations de classe, la réalité des élèves, les difficultés concrètes du métiers sont brossées à grand traits. Elles paraissent lointaines et floues. Il y a peut-être quelque chose à entendre au ministère de l’insatisfaction de la base qui quoi qu’il en soit du bilan –pardon du point d’étape–, se sent encore et toujours trop peu entendue.

Pisa tire l’alarme

Enfin, si les acteurs de terrains ne sont pas contents c’est parce que l’école, malgré ces efforts qu’on les juge insuffisants ou pas, ne change pas vite. Les 60.000 postes promis durant la campagne ont bien été au rendez-vous mais ils se voient très peu sur le terrain car ils sont surtout passés dans la formation des enseignants et ont été dispersés. Du coup, le problèmes du non-remplacement des enseignants absents reste très aigu, comme en Seine-Saint-Denis. La grande difficulté scolaire de certains élèves, l’alarmante vétusté d’une partie des établissements, comme à Marseille, ou le contournement de la carte scolaire restent des réalités qui plombent l’école publique dans de nombreux territoires.

Pisa montre aussi que les élèves les plus faibles sont en France de plus en plus nombreux et de plus en plus faibles

Alors qu’est-ce qui a évolué dans le bon sens depuis quatre ans? Notre système est-il plus juste, plus efficace, plus épanouissant? À l’exception notable de bons chiffres de baisse du décrochage scolaire, on ne sait pas trop.

C’est l’enquête Pisa, coordonnée par les services de l’OCDE, à laquelle presque tous les intervenants se référaient lors de ces journées de la refondation (et en général quand on parle de l’école) qui fait foi. Pisa qui examine le niveau des élèves de 15 ans et qui voit la France reculer en terme de performance scolaire si on la compare aux autres pays de l’OCDE, Pisa qui dit que la France est un pays dans lequel les inégalités sociales pèsent le plus lourd sur la réussite et l’échec scolaire, qui montre aussi que les élèves les plus faibles sont en France de plus en plus nombreux et de plus en plus faibles, Pisa qui sert depuis des années à dénoncer l’état de notre école…

La dernière enquête Pisa est parue en décembre 2013. La prochaine livraison aura lieu en fin d’année. Même si les élèves dont elle parlera sont nés sous Chirac et auront connu peu la gauche au pouvoir durant leur scolarité, c’est pourtant ses résultats qui serviront de thermomètre pour juger de l’état de l’école après quatre ans de gauche au pouvoir.

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