Vous avez toujours rêvé d’une virée dans le Grand Nord? Dans un long reportage, Pacific Standard vous emmène à bord de l’Akademik Ioffe, navire russe destiné à la recherche devenu paquebot de croisière, qui, avec ses 102 passagers, transite à travers le Nunavut canadien, région la moins peuplée du pays et terre des Inuits.
Cette ethnie accueille désormais, pour le meilleur mais surtout pour le pire, des touristes du monde entier qui empruntent une route maritime longtemps innavigable à cause de la banquise. Cette longue bande de 1.500 kilomètres au nord du Canada s’ouvre en effet davantage aux navires depuis la fin des années 2000 et le recul des glaces. En 2015, trente voyages ont ainsi été programmés par les huit voyagistes qui se partagent la zone, transportant 2.900 passagers.
Société de consommation
Certes, les touristes friands des étendues parmi les mieux préservées de la planète ainsi que de la faune locale donnent un coup de boost à l’artisanat local, qui s’adapte à leurs besoins. Les graveurs et les sculpteurs de la culture inuit vont jusqu’à anticiper l’arrivée de futurs touristes en produisant en plus grande quantité.
Mais, dans ces terres éloignées, encore majoritairement autarciques, où les ravitaillements restent rares, les demandes alimentaires des touristes excèdent parfois les produits disponibles. C’est la situation à laquelle se heurte Pond Inlet, le plus grand hameau de la région avec ses 1.500 habitants.
La brochure distribuée aux nouveaux venus est pourtant claire: «Nous vous invitons à visiter nos épiceries mais rappelez-vous que remplir nos étagères avec des provisions et des produits frais demande beaucoup d’efforts. Elles ne sont réapprovisionnées qu’une fois par semaine quand la météo le permet. Alors s’il vous plaît achetez uniquement ce dont vous avez vraiment besoin.»
Peur animale
Peuple de chasseurs et de pêcheurs, les Inuits se plaignent également de l’éloignement de certaines espèces animales, seules sources de protéines, depuis l’arrivée des touristes. «Les gens d’ici se plaignent de ne plus voir de baleines avec l’arrivée massive des bateaux, affirme Karen Nutarak, une habitante de Pond Inlet. Si mes filles ou moi-même remplaçons le narval et le phoque par de la nourriture industrielle trop longtemps, nous tombons malades.»
Pour Madeleine Redfern, ancienne directrice du tourisme du Nunavut, «une meilleure communication entre les autorités du tourisme, les membres de la communauté et les opérateurs de croisière eux-mêmes» est nécessaire afin d’éviter ces difficultés. L’enjeu est à la hauteur des défis qui vont suivre puisque la compagnie de croisières de luxe américaine Crystal Cruises, avec ses paquebots d’environ 1.000 passagers, a d’ores et déjà prévu un voyage dans la zone pour l’été 2016. Un risque de pénurie supplémentaire.