Le ministère de la Culture a rendu publique, mercredi 14 octobre l'enquête de 280 pages sur Les Pratiques culturelles des Français à l'ère numérique, dirigée par le sociologue Olivier Donnat.
Cela faisait onze ans qu'une telle enquête n'avait pas été réalisée: les précédentes dataient de 1973, 1981, 1988 et 1997.
Cette enquête signe un «échec culturel», selon Le Monde. L'édito du quotidien explique: «En matière d'accès à la culture, les résultats sont cinglants pour l'action de l'Etat, mais aussi pour les collectivités locales.»
«Hormis le cinéma, l'art le plus démocratique, les gens modestes abandonnent toujours plus les pratiques et désertent les lieux culturels. La lecture est le domaine le plus alarmant. Les non-lecteurs chez les ouvriers ont augmenté de façon spectaculaire. L'autre échec est lié à l'aménagement du territoire. En dix ans, le fossé s'est creusé entre les Parisiens, toujours plus consommateurs de culture, et les "provinciaux", qui le sont de moins en moins.» La liste des échecs politiques est longue.
Pour Télérama, c'est presque un échec sociétal. Si deux tiers des Français sont désormais équipés d'au moins un ordinateur (contre un seul ménage sur cinq en 1997 et moins de 1 % des Français surfaient alors sur Internet) l'hebdomadaire culturel souligne qu'outre les heures passées au travail devant l'ordinateur, les Français consacrent en moyenne 31 heures par semaine aux divers écrans installés à la maison.
Surtout, c'est chez les jeunes, (les moins de 35 ans) que les transformations des pratiques culturelles sont sensibles. Télérama sinquiète d'un «bouleversement»: «Que se passera-t-il quand les anciens auront disparu?»
«Les moins de 35 ans sont en effet à l'origine du recul de la radio et de la télévision, leurs goûts vont vers la musique et les films anglo-saxons, ils aggravent la baisse de la lecture des livres et des journaux à l'oeuvre depuis longtemps, et envoient des signes plutôt inquiétants quant à la fréquentation des bibliothèques, des musées et surtout des concerts de musique classique.»
Surtout, la nouveauté est le numérique, que Télérama balaie avec pessimisme: «Loin d'être un facteur de démocratisation, Internet accentue les inégalités, car il renforce les appartenances et les goûts déjà existants. On retrouve ici encore la logique de cumul qui domine depuis longtemps les pratiques culturelles: ce sont ceux qui lisent le plus qui sortent le plus, fréquentent les cinémas et se ruent aux concerts...».
Pas un mot sur le bouillonnement d'Internet, l'explosion des blogs, le fait que les gens écrivent sans doute davantage. Le partage même de «produits culturels» (musique, films, séries, forums littéraires etc) est perçu comme négatif. L'enquête souligne: «Chacun sa combinaison propre, sa liste inédite de goûts et d'appartenances diverses et qui renvoie à l'intime, que la culture permet d'exprimer de manière privilégiée. Cette logique de plus en plus individuelle est accentuée par la diversification de l'offre, les industries culturelles n'ayant de cesse de segmenter au maximum le marché, permettant des combinaisons de plus en plus complexes.»
Télérama conclue: «Du coup, les domaines partagés par tous ne risquent-ils pas de se réduire comme peau de chagrin? Que restera-t-il qui permette une appartenance collective, que l'on soit jeune ou vieux, diplômé ou pas, fan de Brassens ou de Coldplay?»
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