39 kg de plutonium au lieu de 8kg: l'erreur d'estimation du CEA fait un peu désordre. Ce qui gêne le plus dans cet affaire est le manque de transparence du centre sur cet incident: la découverte a eu lieu en juin, au cours de travaux d'assainissement d'un atelier de travail du plutonium du site de Cadarache — à l'arrêt depuis 2003, mais n'a été signalée que le 6 octobre. Un délai «inacceptable» selon l'Autorité de Sûreté Nucléaire, qui a classé l'incident au niveau 2 de l'échelle Ines et ordonné l'arrêt des travaux de démantèlement mercredi.
Le CEA raconte avoir repéré ces dépôts plus importants que prévu lors du démantèlement de boîtes à gants, ces enceintes étanches permettant d'accéder de façon sécurisée à des zones contenant de la matière nucléaire. Contacté par l'AFP, le CEA explique qu'il a déclaré l'incident en octobre préférant «attendre d'avoir une vision globale des stocks» de matière.
L'incident est resté sans conséquences selon l'ASN. Mais la «sous-estimation de la quantité de plutonium avait conduit à réduire fortement les marges de sécurité destinées à éviter un accident de criticité dont les conséquences potentielles pour les travailleurs peuvent être importantes». L'existence de ces quantitées «oubliées» soulève des questions sur la gestion par le CEA de son stock de matière nucléaire, qui devrait faire l'objet d'un inventaire plus rigoureux. Ajoutée au retard avec lequel elle a été signalée, elle révèle une défaillance dans la chaîne de la sûreté nucléaire française.
Greenpeace va jusqu'à dénoncer «l'une des situations les plus graves et les plus critiques que l'on ait pu rencontrer dans une installation nucléaire depuis longtemps». La branche française de l'organisation explique dans un communiqué que «quelques microgrammes suffisent à déclencher un cancer mortel des poumons ou des voies respiratoires et que 7 à 8 kg de plutonium permettent de confectionner une bombe nucléaire de la puissance de celle utilisée à Nagasaki en 1945».
Jean-Louis Borloo «regrette profondément qu'un tel délai se soit écoulé entre la découverte de cette situation et sa déclaration» et tente de rassurer sur les respect de la transparence et des exigences de sécurité dans ce domaine. Certains réclament la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire. Le président de la commission du Développement durable à l'Assemblée Nationale, Christian Jacob (UMP), a dit jeudi qu'il convoquerait la directrice de l'Andra, l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
Enfin, Jérôme Rieu, directeur des installations de recherches et des déchets de l'ASN, a précisé à L'Express avait «transmis son procès-verbal au procureur de la République, qui décidera des éventuelles suites judiciaires à donner à cette affaire.»
L'incident ranime le débat sur la sûreté nucléaire, après l'affaire du Tricastin à l'été 2008 et celle des déchets envoyés en Sibérie, révélée par Libération et Arte, qui a diffusé mardi un documentaire sur le «cauchemar des déchets nucléaires».
Vous souhaitez proposer un lien complémentaire sur ce sujet ou sur tout autre sujet d'actualité? Envoyez-le à infos @ slate.fr
Image de une: radiation supervised area par Arenamontanus via Flickr