L'usage du téléphone portable, la présence des antennes-relais et l'existence des réseaux Wi-Fi nous exposent-ils à de nouveaux risques sanitaires? Si oui lesquels et comment continuer à communiquer sans danger? On pensait en savoir plus sur ces sujets controversés avec la publication officielle, jeudi 15 octobre, d'une expertise scientifique réalisée sous l'égide de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset); une expertise collective réalisée à la demande des ministères en charge de la Santé et de l'Environnement concernant les effets biologiques et sanitaires en particulier de la téléphonie mobile et plus généralement. Les principaux éléments de ce travail ont été rendus publics par Le Figaro dans son édition du 15 octobre.
De fait, cette expertise réalise bien une synthèse de la somme des multiples travaux expérimentaux et épidémiologiques menés depuis des années dans ce domaine. Et elle parvient à des conclusions a priori rassurantes quant aux effets sanitaires de l'exposition aux radiofréquences. Pour autant, la publication de ces résultats ne mettra nullement un terme à la controverse, la méthode de travail et les conclusions ayant été vivement dénoncées par l'association Robin de toits qui milite activement pour une amélioration de la protection des usagers et de la population vis-à-vis de ce qu'elle estime être un nouveau risque sanitaire.
Que nous enseigne, selon les experts réunis par l'Afsset, la relecture des publications scientifiques qu'elles soient expérimentales (menées sur l'animal), biologiques et épidémiologiques? Sur les 182 études réalisées chez l'animal, 82 mettent effectivement en évidence des effets biologiques des radiofréquences; mais précision de taille: mais seuls 11% de ces travaux utiliseraient, selon les experts, une méthodologie incontestable. A l'inverse, sur les 100 études (dont 69% auraient suivi une méthodologie «incontestables») ne concluent pas à l'existence de risques. La situation et ici d'autant plus complexe que, comme les auteurs le rappellent, le fait d'observer un «effet biologique» sur des animaux expérimentalement exposés à des niveaux élevés de radiofréquences ne signifie pas que de tels «effets» puissent avoir des conséquences pathologiques...
Cette expertise parvient d'autre part, sans surprise, à la même conclusion que tous les travaux scientifiques menés ces derniers temps dans ce domaine: d'un point de vue biologique et clinique les radiofréquences supérieures à 400MHz (celles émises par les antennes-relais et captées par les téléphones portables), «ne modifient pas les grandes fonctions cellulaires telles que l'expression des gènes, ne sont pas un facteur de stress pour les cellules, n'ont pas d'effet mutagène, n'augmentent l'incidence des cancers, ne les aggravent pas, n'ont pas d'effet délétère sur le système nerveux, n'ont pas d'effet susceptible de modifier le système immunitaire, n'ont pas d'impact sur la reproduction...».
Corollaire: les études épidémiologiques lancées depuis plusieurs années ne mettent pas en évidence de véritables preuves d'une augmentation significative du risque de tumeur intracrânienne associée à l'utilisation régulière du téléphone mobile. Mais là encore tout est affaire de nuances, de méthodes statistiques et de formulation. Ainsi on sait déjà que certaines observations «suggèrent» la possibilité d'une augmentation du risque de certaines lésions de nature cancéreuse (gliomes et des neurinomes de l'acoustique) pour des utilisations intensives sur une période supérieure à dix ans.
A l'inverse d'autres études sembleraient indiquer une diminution du risque d'autres lésions (méningiomes) pour une utilisation régulière de moins de dix ans... Les réponses à toutes ces questions devraient être connues au terme de la publication, régulièrement reportée, d'une vaste étude européenne dénommé Interphone mais dont la méthodologie est elle aussi d'ores et déjà contestée.
Au total, les experts estiment que la demande de réduction des niveaux d'exposition liés aux antennes-relais ne repose sur aucune justification scientifique et qu'en toute hypothèse il faudrait évaluer avec soin les conséquences d'une telle réduction, notamment en termes de multiplication du nombre des antennes et d'augmentation parallèle possible de l'exposition de la tête aux radiofréquences émises par les téléphones mobiles. Et ces mêmes experts recommander l'organisation débats sociétaux sur ce thème compte-tenu des préoccupations de la population.
Mais peut-on imaginer que de tels débats sont encore possibles? «Sur le plan scientifique le rapport de l'Afsset c'est du n'importe quoi, a affirmé sur Europe 1, le 15 octobre, Etienne Cendrier porte-parole de l'association "Robin des toits". C'est un truc attentiste. A l'époque où il y avait un débat sur le fait de savoir si la planète était ronde ou plate on nous aurait expliqué qu'elle était plate et on aurait eu une armée de sociologues qui nous auraient expliqué qu'il fallait être un peu dérangé pour penser que l'on peut tenir debout sur une planète ronde (...). N'y aurait-il qu'une seule étude montrant qu'il y a bien des effets, vu le nombre de gens qui utilisent des téléphones portables ou qui vivent près des antennes-relais cela justifierait l'application du principe de précaution (...) Ces scientifiques volent au secours des opérateurs. C'est touchant mais ce n'est pas du tout crédible d'un point de vue scientifique. Et il existe d'autres rapports scientifiques qui disent exactement le contraire. Comment se fait-il que depuis 2 000 les plus grandes compagnies mondiales d'assurance refusent de couvrir les compagnies de téléphonies mobiles pour tous les risques sanitaires liés à l'émission de champs électromagnétiques?»
Pour Etienne Cendrier, il est clair que l'Afsset «continue à voler au secours de l'industrie». «On a déjà vu ça dans l'amiante, dans le tabac, dit-il. Tous ces experts sont bardés de diplômes et qui nous disent: "pas de problème!'' Quand nous allons en justice contre les opérateurs, c'est nous qui gagnons grâce au principe de précaution. Cela veut dire que les juges sont plus difficiles à convaincre que les gens de l'Afsset. Vouloir abaisser les niveaux d'exposition du public, ce n'est pas la fin de la technologie, c'est vouloir une technologie propre. Cela coûtera un peu d'argent aux opérateurs mais la santé publique, elle, n'a pas de prix.»
Les représentants de «Robin des toits» seront présents le 16 novembre au ministère de la Santé lors de l'installation du «comité de suivi» du «Grenelle des Ondes» au cours de laquelle le rapport de l'Afsset sera officiellement remis.
Jean-Yves Nau
Image de une: Neurones. Benedict Campbell. Wellcome Images images.wellcome.ac.uk