Culture

Et le César de l'émotion est remis à...

Temps de lecture : 4 min

A quoi va ressembler la cérémonie annuelle de la grande famille du cinéma.

Emmanuelle Devos reçoit son César de meilleure actrice en 2002 / REUTERS.
Emmanuelle Devos reçoit son César de meilleure actrice en 2002 / REUTERS.

Les Césars servent à distinguer des films, c'est une choses entendue. Ils relèvent également d'une mythologie moderne, nourrie par le glamour, les paillettes et l'idée persistante d'une grande famille du cinéma. Mais ils sont aussi des moments de télé que l'on revoit dans les séances de zapping et best-of. Tous les ans, on nous annonce qu'on va s'ennuyer à périr, et effectivement, si on résume, la cérémonie est juste une suite assez répétitive de remises de prix qui ne concerne pas vraiment le commun des mortels. Et pourtant, chaque édition connaît son image forte, du rire ou des larmes. Au point que si on se rappelle rarement les différents palmarès, en revanche on garde en mémoire ces instants.

Alors pour l'édition 2009, présidée par Charlotte Gainsbourg et présentée par Antoine de Caunes -a priori pas le binôme le plus funky qu'on puisse imaginer, à quoi peut-on s'attendre ?

L'heure pourrait être à la fête, à la débauche de moyens et d'autocongratulation: 2008 a été une des années les plus fastes du cinéma français. Financièrement avec une part de marché de 45%, soit son meilleur résultat sur les trente dernières années et, avec pas moins de deux oscars pour «La Môme», un Oscar pour le court-métrage «Le Mozart des Pickpockets» et une Palme d'or pour «Entre les murs», un millésime de choix côté reconnaissance internationale.

Mais paradoxalement, la cérémonie de ce soir devrait rester assez sobre. Outre un climat général qui oscille entre morosité, révolte et angoisse, l'univers du cinéma également est endeuillé par trois pertes récentes: Georges Cravenne (qui a fondé et pérennisé la cérémonie), Guillaume Depardieu et Claude Berri. Comme l'annonce le dossier de presse: «cette année la cérémonie sera chargée d'une profonde émotion».

Pour autant, va-t-on être privé des passages obligés de la cérémonie qui font que l'on continue à regarder cette cérémonie? Du genre:

l'action politique.

Un classique des Césars. D'Adjani lisant les Versets sataniques de Salman Rushdie à Pascal Ferran dénonçant le système de financement des films en passant par Agnès Jaoui qui a défendu le statut des intermittents à plusieurs reprises. L'intervention politique est généralement accompagnée d'une adresse au ministre de la Culture du moment sur qui les caméras font un gros plan et qui se contente de sourire d'un air qui se veut exprimer un investissement sérieux mais dans lequel perce surtout la crispation.

Alors est-ce que cette année Mme Albanel va échapper à cet instant de supplice? C'est possible, les polémiques agitant la semaine pré-césars n'ont tourné qu'autour du «piratage» des films et de la création d'un prix de la meilleure comédie - création qui devrait d'ailleurs être discutée au cours des deux prochains mois. On s'interroge avec circonspection sur une possible action politique d'Elie Semoun qui, remettant un prix à Dustin Hoffman pour l'ensemble de sa carrière, a annoncé sur un ton mystérieux qu'il allait tenter quelque chose et «prendre un énorme risqué».

l'incorrect.
C'est celui qui va faire la blague à laquelle tout le monde pense mais que personne n'ose. Cette année, il serait très décevant qu'aucune plaisanterie ne soit tentée sur l'absence de Danny Boon. (Ou sur le fait que les comédies moyennes n'ont pas plus leur place aux césars que les drames moyens, mais là, on est carrément dans le scénario de science-fiction et le jugement subjectif.)

Et si Ben Stiller s'est payé la tête de Joaquin Phoenix aux Oscars, en France il faut remonter en 1985 pour trouver un équivalent. Cette année-là, Alain Delon n'est pas venu recevoir son césar du meilleur acteur. Coluche lit alors une fausse lettre du comédien annonçant, entre autre, sa décision de voter socialiste aux prochaines élections ce qui ne manque pas de provoquer un fou rire dans la salle.

l'émotion pure

Monte sur scène, face à tout le parterre des professionnels, un individu submergé par l'émotion. Dans ces moments-là, quelque chose de terriblement humain se produit qui tétanise ou électrise public et téléspectateurs. Un de ces moments inoubliables date de 1996. Annie Girardot reçoit le césar du meilleur second rôle féminin pour le film Les Misérables. Prononcé d'une voix brisée, son discours est simplement bouleversant : «votre témoignage, votre amour, me font penser que peut-être, je dis bien peut-être, je ne suis pas encore tout à fait morte.»

Cette édition est propice à l'émotion et on s'attend à de nombreuses standing ovations. Outre les différents hommages qui vont se succéder, Guillaume Depardieu est nommé à titre posthume dans la catégorie Meilleur acteur pour le film Versailles (dont le réalisateur, Pierre Schoeller, est également en lice pour le prix du meilleur film).

le sketch

Chaque cérémonie est rythmée par de fausses improvisations hautement casse-gueule. Dans la catégorie absurde, l'arrivée de Michel Serrault avec un plat de spaghettis renversés sur la tête n'avait pas été du goût de tout le monde. Plus récemment, Alain Chabat ou Jamel Debbouze avaient tenté l'interprétation "du mec lourd qui fout tout en l'air" - le premier en venant présenter la cérémonie sans y être invité, le second montant sur scène pour recevoir un césar qui ne lui était pas attribué. Cette année, la difficulté de l'exercice va être de faire se succéder les hommages posthumes et les gags.

Les plus cyniques pourront s'amuser à compter combien de fois la phrase de circonstance «en ces temps de crise, le cinéma offre du rêve» (et ses dérivés avec échappatoire, espoir, ailleurs) va être prononcée.

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