Fabienne Justel nous pose la question de la possible restitution du sperme de son mari défunt depuis plus d'un an, dans le but d'obtenir une grossesse par insémination post mortem. Cette question n'est pas nouvelle. Elle a été soulevée à plusieurs reprises en France depuis 1984. En 1994, lors de la première loi bioéthique, le législateur a tranché: les techniques de procréation médicalement assistée (PMA) sont destinées à répondre à la demande d'un couple formé d'un homme et d'une femme vivants, en âge de procréer et ce afin de remédier à l'infertilité dont «le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué» (art 2141-2).
Les techniques de PMA sont donc, de ce fait, très clairement inscrites dans le champ de la thérapeutique. Des ovaires ou des testicules non «fonctionnels», des trompes «absentes» ou «oblitérées», des problèmes d'«érection» ou d' «éjaculation» constituent autant de difficultés qui peuvent trouver des remèdes via ces nouvelles techniques. Dans tous les cas, il s'agit d'apporter une réponse médicale à un couple infertile. L'autoconservation du sperme proposée à un homme qui va subir un traitement risquant de le rendre stérile s'inscrit dans la préservation de ses possibilités de procréation. Elle donne un grand espoir à ceux qui - soumis à une chimiothérapie ou une radiothérapie - entrevoient la guérison et une longue survie; situation qui leur permettra alors (s'ils le décident) de procréer et d'élever leurs enfants.
La PMA peut aussi entrer dans d'autres champs médicaux préventifs (congélation de sperme, de tissu testiculaire ou ovarien) ou thérapeutiques (insémination artificielle, fécondation in vitro, micro-injection de spermatozoïdes, etc) voire don de cellules sexuelles à des personnes qui en sont privées par la maladie. Mais il faut bien comprendre que la mort demeure la frontière où s'arrête l'action du médecin.
Les techniques de PMA ne sont pas un moyen de procréer «différemment» mais une aide plus ou moins importante apportée à un couple dans le but d'avoir un enfant qui aura père et mère pour l'élever. Le fait d'avoir deux parents vivants pour élever l'enfant est un atout important, même si pas suffisant, pour un bon développement psychoaffectif.
Si le médecin se fait l'avocat de l'enfant qui va naître, c'est parce qu'il ne veut pas créer des problèmes «médicalement assistés» à l'enfant. Quand il agit de cette façon, le médecin est bien conscient que dans la «vraie vie» les couples peuvent se séparer et les parents mourir, mais sa mission de médecin reste celle de ne pas créer un handicap à l'enfant dès sa conception.
La mort est une violence certes, mais c'est aussi une frontière qui s'impose à nous. Il n'y a, tout simplement, pas de médecine après la mort. Le médecin ne peut qu'aider le vivant à vivre.
Jacques Lansac Professeur émérite de gynécologie obstétrique au CHU de Tours, président de la fédération des CECOS de 1987 à 1993.
Image de Une: fœtus de dix semaines. Flickr/Lunar caustic
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