Les héros de 2012 sont à la peine. François Hollande et Nicolas Sarkozy rêvent de remonter sur le ring présidentiel. Ils brûlent de croiser à nouveau le fer devant les Français en 2017. Mais voilà que l’actuel président de la République comme son prédécesseur s’enfoncent simultanément dans de graves difficultés politiques qui obèrent sérieusement leur avenir.
La concomitance de leur infortune n’est pas un pur effet de hasard de calendrier. Tel un vieux couple soudé par son inimitié, Hollande et Sarkozy ont partie liée. Les malheurs de l’un font paradoxalement les malheurs de l’autre.
Hollande coupé de l’idéal de gauche
Le renoncement du chef de l’État à la révision constitutionnelle, le 30 mars, après plusieurs mois de polémiques, a spectaculairement mis en évidence son impuissance politique. Même dans le domaine régalien s’il en est de la réponse à apporter au terrorisme, le président Hollande n’aura finalement pas été capable de mettre en œuvre ses propres orientations.
L’échec de sa tentative d’unité nationale pèsera lourd à l’heure du bilan. Cette affaire laissera également de cicatrices difficiles à effacer dans l’électorat de gauche. Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, en est apparemment conscient puisqu’il s’est senti obligé, en une curieuse formule, de présenter ses «excuses» au Français pour cet insuccès.
Hollande s’est encore coupé de sa gauche avec la mobilisation croissante contre le projet de loi dit El Khomri. Les protestations d’une partie du salariat et de la jeunesse contre cette réforme du droit du travail accréditent l’idée que le pouvoir actuel n’a plus grand-chose de commun avec l’idéal de gauche. Un phénomène lourd de futures conséquences électorales.
«Un trou de fourmi»
Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que l’impopularité de Hollande batte à nouveau des records. Selon l’indice de popularité Ifop, le chef de l’État est revenu exactement au point où il en était avant les attentats de janvier 2015: seulement 17% de «satisfaits» de son action comme président de la République contre pas moins de 82% de «mécontents».
La structure de l’impopularité de Hollande montre la profondeur du fossé qui le sépare de l’électorat qui l’avait élu en 2012. Le président mécontente aujourd’hui 87% des employés et 85% des ouvriers. Même parmi les sympathisants du PS, l’approbation de l’emporte pas: 50% de «satisfaits» mais tout de même 50% de «mécontents».
Pour renaître de ses cendres, Hollande avait pourtant grand besoin de Sarkozy
Dans un tel contexte, l’élimination du candidat Hollande dès le premier tour de la présidentielle est dans l’ordre des choses. La dernière grande enquête Ipsos-Cevipof révèle qu’il n’obtiendrait que 14 à 16% des intentions de vote selon les configurations de candidatures à droite. Des scores en forte chute par rapport au sondage précédent.
Le climat est si mauvais que la rumeur d’une non-candidature de Hollande avait fini par se répandre jusque dans certains couloirs de l’Élysée. Voilà pourquoi de bon esprits s’emploient désormais à répéter à qui veut l’entendre que le président a un moral d’acier, qu’il en a vu d’autres et qu’il n’est jamais meilleur que dans une situation considérée par tous comme désespérée...
Ce story-telling prend parfois une allure cocasse. Comme ce ministre qui parie, encore et toujours, sur l’effort pédagogique qui finira bien par convaincre les Français que la politique menée est la bonne: «Il faut redonner la perspective de l’explication à ces résultats.» Mais l’un des «visiteurs réguliers du président» voit sans doute plus juste lorsqu’il confie son scepticisme sur la manière dont Hollande peut désormais s’en sortir: «Le trou de souris devient... un trou de fourmi.»
Sarkozy lourdement rejeté
Nicolas Sarkozy, de son côté, n’a pas réussi à se réconcilier avec les Français. L’opération de communication autour de son livre de confessions d’erreurs, afin de mieux rebondir, a bel et bien échoué. Au lieu de se redresser, sa courbe de popularité pique toujours tendanciellement du nez.
Un petit quart des sondés seulement souhaitent que l’ancien président de la République «joue un rôle important au cours des mois et des années à venir» dans le baromètre TNS-Sofres. C’est sensiblement moins que lors de son retour à la politique, à l’automne 2014. Sarkozy a beau se démener, il ne parvient pas a renouer de fil de son histoire avec ses compatriotes.
Sa manière de faire de la politique, égale à elle-même, suscite le rejet. Le président du parti Les Républicains ne semble pas avoir compris que les Français sont lassés de ses surenchères en tous genres. Ses dernières propositions économiques –avec le cadeau fiscal d’une réduction générale de 10% de l’impôt sur le revenu– ont provoqué de vives critiques à droite. Sarkozy est désormais perçu soit comme un dangereux démagogue, soit comme un politicien versé dans des promesses qu’il ne tiendra pas.
Il n’est, dès lors, pas très surprenant que l’ancien chef de l’État perde encore du terrain dans la bataille de la primaire. Aux dernières nouvelles, il serait non seulement grandement devancé par Alain Juppé au premier tour mais encore victime de la dynamique qui porte Bruno Le Maire. Le député de l’Eure pourrait bien, dans la prochaine période, être celui qui profite le mieux de la prévention à l’endroit du maire de Bordeaux.
Absence de punching-ball
C’est à un affaiblissement mutuel des deux finalistes de 2012 que l’on assiste aujourd’hui. Pour renaître de ses cendres, Hollande avait pourtant grand besoin de Sarkozy. L’hôte actuel de l’Elysée, longtemps persuadé qui aurait en face de lui le même adversaire en 2017, comptait bien réactiver l’antisarkozysme de la gauche à son profit une fois encore.
Inversement, Sarkozy avait besoin de Hollande comme adversaire. Non seulement parce qu’il comptait prendre sa revanche après sa défaite de 2012 mais aussi parce qu’il était convaincu de pouvoir l’emporter grâce au rejet qui accable le président sortant.
Les événements récents tendent à priver les deux compères de leur punching-ball favori. Ce phénomène est de nature à les alarmer mais aussi à réjouir les populations. Cela fait déjà un certain temps que les Français font passer un message simple mais ferme: Hollande, Sarkozy, on n’en peut plus, on n’en veut plus. Désormais, la supplique est particulièrement pressante. Pas moins des trois quarts de sondés ne souhaitent pas que Hollande et Sarkozy soient candidats à la prochaine élection présidentielle.