Depuis les années 1970-1980, notre pays a réduit de moitié le nombre de lits psychiatriques et davantage encore dans les établissements chargés d'assumer la noble mission d’asile pour les plus démunis d’aptitudes à la vie en société. Y séjournaient sans limite de durée les handicapés mentaux et les malades chroniques les moins capables d’autonomie. Sans doute ces établissements étaient-ils trop souvent devenus de tristes et vastes lieux de médiocre survie sans qu'y soient faits les efforts de stimulation des capacités propres à chaque malade. Les murs transpiraient alors l’ennui et le désœuvrement.
Ce mouvement de fermeture de lits de psychiatrie avait un double but:
– économique avec l’idée qu’il serait moins onéreux de renvoyer ces personnes dans la cité c’est à dire bien souvent leurs familles,
– humaniste car destiné à faire cesser une vie en institution perçue comme signe d’une inacceptable stigmatisation.
À l'hôtel et à l'étranger
La démarche volontaire de création de modalités de soins alternatives à l’hospitalisation complète a eu pour avantage d’inciter professionnels, familles et patients à rechercher pour chaque cas le maximum de conditions de vie autonomes.
Cette évolution a aujourd’hui un double prix:
– certaines personnes handicapées sont artificiellement maintenues à l’extérieur de toute institution sanitaire, y compris dans des hôtels qui ne disent pas leur nom de lieux d’accueil pour malades mentaux parce qu’ils ne remplissent aucune des conditions que l’on souhaiterait légitimement pour un accompagnement digne de ces personnes.
– et pis encore des handicapés sont littéralement déportés en Belgique parce que ce pays a ouvert des structures professionnalisées dans l’accueil des handicapés mentaux et psychiques les plus graves.
Le très beau film Elle s’appelle Sabine illustre tout ce qu’un environnement institutionnel mieux adapté peut permettre d’épanouissement
Le constat est simple: en même temps que des lits d’asiles psychiatriques étaient supprimés, rien n’était fait en France pour construire des structures adaptées aux sujets porteurs d’autisme trop sévère pour pouvoir vivre de manière suffisamment autonome en famille ou seuls.
Éloignement familial
Notre pays manque cruellement de capacités d’accueil pour adultes autistes non autonomes. Et la collectivité accepte tout à la fois l’éloignement de ces personnes au mépris de leurs liens familiaux ainsi mis à mal et le paiement de ces institutions belges par la solidarité nationale française!
Comment accepter que des familles voient ainsi leur enfant, leur frère ou sœur partir loin de chez eux dans un autre pays fut-il européen?
Comment tolérer qu’un sujet avec autisme, en proie aux douleurs générées par la difficulté à communiquer propre à la maladie se voit infligé de vivre à des centaines de kilomètres de sa famille?
Intolérable exclusion
Cette réalité est celle de centaines de français malades, évidemment parmi les plus graves. Et cette réalité perdure depuis des dizaines d’années.
Le très beau film de Sandrine Bonnaire –Elle s’appelle Sabine– illustre tout ce qu’un environnement institutionnel mieux adapté que ne l’était l’asile psychiatrique (tel qu’il avait été conçu au XIXe siècle et tel qu’il a duré jusqu’à la fin du XXe) peut permettre d’épanouissement malgré la maladie autisme. Hélas, trop peu de places sont disponibles en France malgré les actions des familles notamment au travers des établissements de l’Union nationale des parents d’enfants inadaptés (Unapei). Et persiste ce scandale d’une exclusion infiniment plus sévère que celle à laquelle on a voulu mettre fin à partir des années 1980.
Chaque région doit établir le compte exact de ses ressortissants bien involontairement expatriés
Les moyens existent
Que faire? Chaque région doit maintenant établir le compte exact de ses ressortissants bien involontairement expatriés et exiger des professionnels la mise en œuvre de conditions d’accueil dignes et adaptées. Les soins et l’accompagnement des autistes gravement handicapés exigent des compétences spécifiques et des vocations. Il ne sera pas plus difficile de les trouver en France qu’en Belgique pourvu que l’on veuille bien s’en donner les moyens.
Les moyens? De petites unités de vie et de soins ne regroupant pas plus d’une vingtaine de malades avec des objectifs de réhabilitation cognitive, émotionnelle et comportementale adaptées aux besoins de chacun. Il y a urgence: que l’on ne vienne pas dire que la France n’a plus les capacités financières pour cela. Les séjours en Belgique sont payants. Et l’investissement nécessaire est bien modeste: ceci devrait inspirer chaque candidat à un mandat électoral: plus de 600.000 familles sont touchées pour un des leurs par ces pathologies mentales!