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En reprenant Palmyre, le régime Assad reconquiert un de ses symboles répressifs

Temps de lecture : 2 min

La ville était l'hôte d'une prison où le régime syrien a commis ses pires exactions, détruite il y a un an par l'organisation État islamique.

Des soldats syriens prennent un selfie dans les rues de Palmyre, le 27 mars 2016. Maher AL MOUNES / AFP.
Des soldats syriens prennent un selfie dans les rues de Palmyre, le 27 mars 2016. Maher AL MOUNES / AFP.

La ville de Palmyre, que viennent de reprendre, sous les félicitations de l'Onu et, évidemment, de Vladimir Poutine, les forces de Bachar el-Assad, n'est pas seulement hôte de joyaux archéologiques: il s'agit aussi du lieu d'une prison historique de la dynastie, qui a pu être comparée à celle de Tazmamart au Maroc, où furent emprisonnés secrètement pendant vingt ans les opposants à Hassan II. Une prison que l'organisation État islamique avait fait exploser lors de sa prise de la ville en mai, pour la plus grande inquiétude de l'opposition syrienne en exil, qui jugeait que cette gêole servait de preuve des exactions du régime Assad.

«Ce double visage de Palmyre est une métaphore de toute la Syrie. Le pays entier se compose de deux mondes dissociés, un premier monde visible où la vie se déroule de manière ordonnée et un monde invisible, enseveli dans l’obscurité, la souffrance et la peur», écrivait l'été dernier, pour la revue Orient XXI, Yassin al-Haj Saleh, qui fut emprisonné près d'un an à Palmyre. «Dans le monde visible, il y a le pouvoir, ses images, ses symboles, ses mots et ses signes. Dans le monde souterrain obscur, il y a les usines secrètes du pouvoir, les centres de sécurité et les prisons, les lieux où l’on produit la peur, le silence et l’isolement.»

En 2007, Rue89 consacrait un article à un autre témoignage, celui de Mustapha Khalifa, auteur de La Coquille, prisonnier politique en Syrie (Actes Sud):

«Ici, il n’y a pas de demi-saison. L’hiver est glacial, l’été est caniculaire, et le quotidien reste rythmé par les brimades, l’humiliation (on oblige les prisonniers à boire l’eau de caniveau), les tortures, parfois jusqu’à la mort. Le tortionnaire tue pour et au nom du président: "Espèces de salopards, fumiers, vous manigancez contre le président!… C’est grâce à lui que nous mangeons à satiété, et vous, sales chiens, vous venez comploter…"»

La prison de Palmyre reste notamment célèbre pour la répression qui y régna contre les Frères musulmans à l'été 1980, après un attentat à la grenade manqué contre le président Hafez el-Assad, le père de Bachar el-Assad. Plusieurs centaines de prisonniers avaient fait l'objet d'une exécution sommaire.

Voici ce que racontait, en juillet 1980, au journaliste du Monde Éric Rouleau l'opposant à Assad Salah Bitar, peu avant son assassinat:

«Dès le début de notre entretien, M. Bitar paraissait consterné. D'emblée, il nous disait avoir reçu un rapport confidentiel indiquant que les autorités syriennes avaient fait massacrer, à la suite d'une mise en scène, quelque cinq cents détenus à la prison de Palmyre. On leur avait signifié leur libération, mais, à leur sortie, ils avaient été fauchés à la mitrailleuse du haut d'hélicoptères. Il ne doutait pas du sérieux de l'information.»

Un participant au massacre le décrivait ainsi, dans un témoignage rapporté à la télévision jordanienne en janvier 1981:

«Ils nous ont ouvert la porte d'un baraquement. On est entré à six ou sept, et on a tué tout ce qui se trouvait à l'intérieur, c'est à dire 60 ou 70 personnes. [...] Personnellement, j'ai dû en mitrailler une quinzaine. [...] On est ressorti. Le lieutenant Ra'îf Abdallah est allé se laver les mains et les pieds couverts de sang.»

En 2001, peu après son accession au pouvoir, Bachar el-Assad avait transformé la prison de Palmyre en prison militaire.

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