C’est un cliché: certains jugent la langue allemande «froide» et l’italien «chaud». Mais ce cliché pourrait recéler plus de vérité qu’il n’y paraît, des chercheurs venant de mettre en évidence un lien entre l’emploi des voyelles et des consonnes et des facteurs comme le climat, l’humidité et l’environnement. Des recherches qui devraient révolutionner notre vision des systèmes linguistiques.
Écoutons un peu la langue hawaïenne, et ces deux vers tirés du chant «Aloha Oli»:
«Onaona i ka hala me ka lehua
He hale lehua no ia na ka noe»
On y voit, on y entend, de nombreuses voyelles, conférant à l’hawaïen sa sonorité toute en ondulation, douce. C’est normal: la langue ne possède que huit consonnes, sur un alphabet de 13 lettres. Les voyelles sont donc très présentes. A l’inverse l’allemand est plus guttural. Coïncidence, comme on l’a longtemps pensé?
«Adaptation acoustique»
Non, estiment les chercheurs Christophe Coupe, du CNRS, et Ian Maddieson, linguiste à l’université du Nouveau Mexique, qui ont analysé plus de 600 langues, comme l’a repéré Nautil.us. Ils ont observé que celles avec plus de voyelles tendaient à se trouver dans les régions les plus chaudes et plus humides du globe, tandis que les régions les plus froides abritent les langues avec le plus de consonnes.
L’explication réside selon eux dans ce qu’on appelle «l'adaptation acoustique», un phénomène qui n’était jusque là observé que chez les oiseaux. Pour comprendre, il faut savoir que les signaux acoustiques se «dégradent» dans l’environnement, en fonction de plusieurs facteurs environnementaux, comme la température et l’humidité. Les consonnes, qui ont une fréquence élevée, se dégradent plus vite, surtout dans les zones forestières où il fait chaud.
Mississippi versus Boston
Ainsi selon les chercheurs, la langue humaine se serait progressivement adaptée à son environnement. Les zones chaudes et pleines de forêts se rabattent sur les voyelles. Et par contraste, les régions froides peuvent se permettre d’utiliser plus de consonnes, plus efficaces et plus distinctes.
Une telle différence serait même visible à l’échelle d’un pays comme les Etats-Unis, explique Nautil.us. Les dialectes des régions les plus chaudes tendent à faire traîner les voyelles, comme à Jackson, dans le Mississippi, tandis qu’à Boston (Massachusetts) les sons sont plus rudes. Ce qi n'empêchera pas les poètes de prêter aux voyelles et aux consonnes toutes les couleurs, chaudes ou froides, qu'ils désirent, comme Rimbaud: «A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu».