Dans l'histoire des numéros mythiques du sport, il y a le 23 de Jordan, le 99 de Gretzky et le 14 de Cruyff. Les deux chiffres floqués au dos des maillots de la star de l'Ajax et des Pays-Bas, disparue ce jeudi 24 mars, ont fait beaucoup pour sa réputation de rock star anticonformiste, comme l'écrivait en 2007 le Herald Scotland:
«Le numéro, comme le joueur, est unique. Le plus grand numéro 10 pourrait être Pelé, Diego Maradona ou peut-être même Michel Platini. Le numéro 6 a été retiré par le Milan AC comme par l'AS Roma pour immortaliser les contributions défensives incroyables de Franco Baresi et Aldair. Le numéro 14 ne peut être qu'à Hendrik Johannes Cruyff.»
Il n'en a bien sûr pas toujours été ainsi. Comme l'explique The Independent, pendant les six premières années de sa carrière professionnelle, le Néerlandais portait le numéro 9. La règle voulait que les maillots des titulaires aillent du 1 au 11 sans exception. Mais en octobre 1970, avant un match contre le PSV Eindhoven, son coéquipier de club Gerrie Mühren ne trouve pas celui portant son numéro habituel, le 7. Cruyff lui prête le 9, que son coéquipier a déjà enfilé pendant qu'il traînait une blessure persistante, et va chercher un maillot dans le stock des remplaçants: le 14. Il le gardera ensuite par superstition.
Dans sa récente biographie du joueur, Johan Cruyff, génie pop et despote, le journaliste Cherif Ghemmour écrit que «Cruyff décida de conserver le 14 parce que ce match contre le PSV («si merveilleux», dit-il) s'était terminé par une victoire 1-0».
Il est ensuite devenu indissociable de son auteur, au point que, dès 1973, le réalisateur Maarten de Vos réalisait un film intitulé Nummer 14 Johan Cruijff.
Dérogation
Cruyff n'était pas le premier joueur de football à adopter un numéro original: le Portugais Eusebio, par exemple, portait le numéro 13. Mais lui qui était très au fait de ses contrats publicitaires (en sélection néerlandaise, équipée par Adidas, il s'était fait fabriquer un maillot à deux bandes pour ne pas froisser son équipementier habituel, Puma) en a fait une quasi-marque: dans son livre, Cherif Ghemmour note également qu'une fois parti aux États-Unis, Cruyff décida de jouer avec son nom dans le dos, ce qui était encore très inhabituel à l'époque.
En revanche, le Batave ne put pas porter son numéro 14 toute sa carrière: au Barça, par exemple, il fut forcé de revenir au numéro 9. Lors de la Coupe du monde 1974, le sélectionneur des Pays-Bas avait décidé d'attribuer les numéros de maillot pour la compétition par ordre alphabétique, ce qui valut par exemple au gardien Jan Jongbloed de porter un curieux maillot numéro... 8. Seul Cruyff obtint d'être exempté de cette règle pour garder son numéro fétiche. Premier de son équipe par ordre alphabétique, il aurait sinon repris le 1, attribué à l'attaquant Ruud Geels: moins mythique que le 14, mais très approprié à son tempérament.