Mort à Barcelone, jeudi 24 mars, à l'âge de 68 ans, Johan Cruyff laisse dans la mémoire collective des amoureux de football, y compris ceux qui ne l'ont jamais vu jouer en direct, une poignée de gestes d'une classe folle.
Il y a quelques semaines encore, Lionel Messi et Suarez en ressuscitaient un en jouant un penalty en deux temps contre le Celta Vigo, imitant à plus de trois décennies d'écart une astuce tentée par le célèbre numéro 14 (qui ne l'avait d'ailleurs pas inventée...) avec son coéquipier Jesper Olsen contre Helmond Sport en 1982, lors d'un match du championnat des Pays-Bas. Après avoir fait partie, à la fin des années 1970, de la vague de stars expatriées au sein de la très lucrative NASL américaine (on y retrouvait Pelé, Best, Beckenbauer...), le Néerlandais se trouve alors au crépuscule d'une carrière commencée sous le même maillot de l'Ajax d'Amsterdam dix-huit ans plus tôt, en 1964.
Dans les années 1970, Cruyff éclabousse le football européen de son allure féline et de ses cheveux longs, alignant trois Coupes d'Europe des clubs champions de suite (1971, 1972, 1973), avec pour point d'orgue une raclée infligée en une mi-temps au Bayern Munich de Franz Beckenbauer (4-0) en quarts de finale en 1973. Cet été-là, Cruyff file à Barcelone, qu'il emmène immédiatement au titre de champion, avec une volée mémorable marquée contre l'Atletico Madrid et surtout une manita infligée au Real Madrid, alors club préféré d'un Franco, dans son stade de Bernabeu en février 1974.
Si près du but
Cette année-là, le joueur a beau décrocher un troisième Ballon d'or en quatre ans, le maudit 7 juillet 1974 lui laissera un goût amer. Après une Coupe du monde brillante, marquée notamment par un très joli but lors de l'élimination du tenant brésilien (2-0), les Pays-Bas de Cruyff piquent au vif la RFA, pays organisateur, dès la première minute de la finale au Stade olympique de Munich: d'une percée foudroyante, le chef d'orchestre du «football total» traverse le terrain et obtient un penalty que transforme Neeskens en force. Les Pays-Bas mènent 1-0 et leurs adversaires du jour n'ont pas encore touché la balle.
Mais Cruyff, harcelé par son adversaire direct Berti Vogts, s'éteint et l'Allemagne égalise sur penalty, avant que Gerd Müller n'inscrive, dans son style caractéristique, le but de la victoire allemande (2-1). Quarante ans après, Cruyff reste, selon un classement publié par le Guardian en 2014, le plus grand joueur de tous les temps à ne jamais avoir remporté la Coupe du monde...
Correction: une version initiale de l'article indiquait que Cruyff avait remporté le Ballon d'or 1972 et non 1974.