«Le choix des photos révèle la résistance de l'imaginaire, qui continue à séparer le monde en femmes fatales ou en vierges innocentes», explique André Gunthert sur son blog. Et ce choix de photos a eu une grande importance dans l'affaire Polanski, écrit-il.
Dans cette affaire de viol, le fait que le cinéaste ait couché avec une fille qui avait l'air d'une majeur ou qui avait véritablement l'air d'une enfant influe sur l'opinion publique. Or pendant longtemps, les photos qui ont été montrées de Samantha Geimer, la victime, étaient des photos d'elle à vingt ans ou plus. Cela accréditait l'idée selon laquelle Polanski n'avait pas réellement abusé d'une enfant: elle avait des allures d'adulte. Le cinéaste Costa-Gavras sur Europe 1 justifiait ainsi le viol: «vous avez vu les photos, elle fait 25 (ans)». Alain Finkielkraut, sur France Inter le 9 octobre, évoque l'oeuvre du photographe David Hamilton et affirme que la victime «n'était pas une fillette, une petite fille, une enfant au moment des faits, c'était une adolescente qui posait nue pour Vogue hommes».
Cette vision des choses avait été notamment alimentée, explique André Gunthert, par le documentaire de Marina Zenovich, Roman Polanski: Wanted and Desired (2008), «qui présente une interprétation des faits compatible avec celle des avocats du cinéaste.» Lorsque le documentaire énonce par exemple que la jeune fille «est présentée par sa mère à Polanski comme une actrice», «l'illustration qui suit est tirée d'un film où Samantha a une vingtaine d'années – l'âge qui correspond à l'affirmation de Costa-Gavras»
Durant les événements récents qui ont remis Roman Polanski au centre de l'actualité, une autre photo de Samantha Geimer, dénichée par Maître Eolas, a contribué à mettre les choses en perspective: il s'agit d'une collègienne portant ses livres de classe. Impossible, désormais, de prétendre que Polanski ne savait pas qu'il avait en face de lui une enfant. Surtout, dans le débat public où l'on estime implicitement que des jeunes filles dont des hommes plus âgées abusent étaient consentantes ou aguicheuses, l'imaginaire projeté par ces photos a toute son importance.
«On ne saurait toutefois s'arrêter au seul niveau du stéréotype pour comprendre la pulsion qui nous guide vers l'image. Savoir à quoi ressemblait Samantha au moment de son agression reste pour chacun de nous la façon la plus efficace de se forger une opinion dans un contexte de versions contradictoires, tout simplement parce que c'est un moyen de juger comment nous agirions en pareil cas.»
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Image de une: Samantha Geimer, DR