Dans une longue interview accordée à The Atlantic, Charles Lister, auteur du livre The Syrian Jihad et membre de l’Institut du Moyen-Orient, explique comment Bachar el-Assad a soufflé dès 2011 sur les braises d’un terrorisme islamiste endormi et permis le renforcement de la mouvance djihadiste dans son pays.
Le 26 mars 2011, alors que la résistance anti-régime attisée par le Printemps arabe se fait de plus en plus pressante, le dictateur syrien libère 260 détenus islamistes de la prison de Sednaya, en périphérie de la capitale, Damas. Une stratégie qu'analyse ainsi Charles Lister:
«Cela aurait pu constituer une tentative d’apaiser le sentiment antigouvernemental grandissant aux quatre coins du pays, mais il s’agissait davantage d’une manière douteuse de manipuler ses adversaires, en relâchant dans la nature ceux qu’il pourrait qualifier de terroristes dans les rangs des opposants au régime.»
Le 20 juin 2011, une nouvelle amnistie présidentielle permet à de nombreux prisonniers d’opinion d'être libérés. Pour la plupart, des djihadistes qui vont, dans les années qui suivent, se retourner contre le régime de Bachar el-Assad au nom de l'organisation État islamique ou du Front al-Nosra.
«Ils ont mis du temps à prendre racine, mais ce sont ces libérations qui ont initialement permis l’émergence, le développement et la structuration spectaculaire d’un militantisme islamiste et djihadiste qui a pris l’importance que l’on constate depuis deux ans, détaille Lister. […] L’infrastructure djihadiste était déjà existante avant même que le soulèvement ne commence, mais c’est ce réseau qui a été activé par Abou Mohammed al-Joulani, qui a alors créé le Front al-Nosra.»
Ce n’est alors pas la première fois que ces djihadistes se retournent contre la Syrie. Bachar el-Assad avait au départ envoyé ces combattants lutter aux côtés du groupe Fatah al-Islam, basé dans un camp de réfugié au Liban, le but étant de déstabiliser le régime libanais. Vaincus, ces combattants sont rentrés en Syrie et ont manifesté un vif ressentiment envers le régime, qui les avait obligés à mener un combat qu’ils étaient sûrs de perdre. Ils se sont alors soulevés et ont été incarcérés en 2007 et 2008.