Économie

Ce n'est plus la récession de Bush, c'est celle d'Obama

Temps de lecture : 5 min

A quel moment Obama devient-il responsable de la situation économique, à la place de son prédécesseur?

Le 1er octobre 2009. Jim Young / REUTERS
Le 1er octobre 2009. Jim Young / REUTERS

Tandis que les suppressions d'emplois se multiplient aux Etats-Unis, Barack Obama se trouve face à deux questions, qui sont d'ailleurs liées. La première est une sorte d'énigme: comment faire adopter une nouvelle série de mesures de relance sans admettre implicitement que les premières ont échoué? (Réponse: En ne les appelant pas «plan de relance».) La seconde question est plus difficile: à quel moment Obama devient-il responsable de la situation économique, à la place de son prédécesseur? (Réponse: certainement plus vite qu'il ne le souhaiterait.)

Pas plus tard qu'en juillet, des conseillers de la Maison Blanche estimaient que ce n'était pas encore le moment de discuter de nouvelles mesures de relance de l'économie. Mais avec un taux de chômage frôlant les 10% de la population active en septembre et qui devrait encore augmenter en 2010, Obama et les dirigeants démocrates explorent désormais de nouvelles voies pour limiter la casse.

Que faire? La solution de facilité consisterait à se contenter de prolonger les dispositions du premier plan de relance. Par exemple s'assurer que les travailleurs licenciés conservent une assurance santé, et poursuivre les aides financières pour les chômeurs, alors que celles-ci doivent normalement expirer en novembre — ce serait une solution simple et efficace selon Dean Baker, du Centre pour la recherche économique et politique, puisque les personnes qui ont peu de revenus ont tendance à dépenser leur argent supplémentaire. Prolonger ces mesures devrait être en outre politiquement facile: pas la peine de parler de plan de relance, elles peuvent être vendues comme des mesures sociales (Les démocrates ont déposé aujourd'hui un projet de loi visant à prolonger les allocations chômage de 14 semaines.)

Il serait toutefois plus difficile d'imposer des mesures qui ne faisaient pas partie du package d'origine. Il a surtout été question cette semaine d'une proposition: un crédit d'impôt pour les entreprises qui embauchent. Le principe est simple à souhait: récompenser celles qui créent des emplois. Le problème, c'est la mise en œuvre. Le gouvernement pourrait tout simplement offrir aux employeurs un crédit d'impôt sur les salaires et espérer qu'ils en profiteront pour embaucher. Ce serait une aubaine pour les entreprises, mais rien ne dit qu'elles utiliseraient cet argent pour augmenter leur masse salariale. «Ce ne serait pas un investissement très rentable», conclut Ted Gayer, de la Brookings Institution.

On pourrait aussi attendre que les entreprises aient recruté de nouveaux employés pour leur accorder le bonus. Mais celles-ci pourraient tricher en jouant sur la définition de «nouvel» employé, explique Ted Gayer. D'autres idées qui n'ont pas été retenues par le président : augmenter le montant directement alloué aux Etats ; inciter les employeurs à diminuer le temps de travail pour embaucher de nouveaux travailleurs, comme l'a proposé Dean Baker; ou encore encourager les petites entreprises à emprunter, comme l'a suggéré de son côté Mark Zandi, cofondateur de Moody'sEconomy.com.

Ces propositions peuvent être jugées selon les mêmes critères que le plan de relance d'origine: Combien d'emplois pourraient-elles créer et combien coûteraient-elles ? Cette question n'est pas pertinente pour des politiques comme l'assurance chômage, qui ne sont pas censées créer des emplois. En revanche, deux économistes estiment que le crédit d'impôt pour les employeurs coûterait 20 000 $ par emploi créé. Comparons ce chiffre au plan de relance initial. Le gouvernement avait à l'origine promis que celui-ci permettrait de sauvegarder ou de créer 3,5 millions d'emplois. (Jusqu'à maintenant, environ un million d'emplois ont ainsi été sauvegardés ou créés.) Sur les 757 milliards de dollars du plan de relance, ça représente donc 216 000 dollars par emploi. Certes, l'argent de ce plan a été utilisé aussi à d'autres fins, mais politiquement, c'était le deal. Etant donné ce précédent, il serait facile de communiquer sur le chiffre de 20 000 dollars par emploi.

Même Eric Cantor (Virginie), le whip des républicains (ndlt : celui qui veille notamment à ce que les élus du parti soient présents lors des votes au Parlement.), n'a pas l'air de s'y opposer. «On parle beaucoup de cette idée», a-t-il déclaré au New York Times. «Si la Maison Blanche reprend la proposition, je suis convaincu qu'elle serait saluée par les deux partis.»

Mais prendre des décisions fortes dans le domaine économique, c'est prendre des risques politiques. D'abord, décider d'un second plan de relance, c'est admettre que le premier a échoué - ce qu'estiment d'ailleurs des économistes de tous bords politiques. « Ils ont mis sur pied un plan qui, selon leurs propres chiffres, n'étaient pas à la hauteur du problème », explique Dean Baker. (Christina Romer, la présidente du Council of Economic Advisers, le «Conseil des conseillers économiques», avait chiffré le coût d'un plan à 1200 milliards, pas 800.) Dans le même temps, les républicains s'appuient sur les 8 millions d'emplois perdus depuis décembre 2007 pour affirmer que le plan du président n'a pas fonctionné.

Et c'est justement là-dessus qu'Obama se défend: «depuis 2007». Avant lui. Obama s'est souvent plaint d'avoir hérité d'un «déficit de 1000 milliards de dollars, d'une crise financière et d'une récession coûteuse». Alors qu'il évoquait la semaine dernière la situation économique, le vice-président Joe Biden a dit que l'administration avait «hérité de bagages très, très lourds».

Mais à un moment donné, la situation économique de Bush va devenir celle d'Obama. Et plus l'administration Obama agit, plus ce moment arrivera vite. D'où la nécessité pour elle de ne pas mettre en place de nouvelles mesures de relance.

En est-on déjà là? Probablement pas. Selon les sondages, une majorité d'Américains accorde toujours à Obama le bénéfice du doute en matière d'économie, mais ils sont de moins en moins nombreux. Le dernier sondage de ce type a eu lieu la semaine dernière, et selon cette enquête de l'institut Rasmussen, 55% des Américains mettent toujours la situation économique sur le dos de Bush. (Et ces chiffres viennent d'un institut pro-conservateurs.) Les Américains pensent-ils que l'action économique d'Obama est efficace? En avril, la plupart estimaient qu'il était trop tôt pour répondre, selon le Pew Research Center. Désormais, moins de la moitié le pense - ce qui pourrait vouloir dire que de plus en plus d'Américains commencent à tenir Obama pour responsable de la situation économique actuelle. Quant à ceux qui se prononcent, ils disent que la politique d'Obama améliore la situation plutôt que ne la détériore - en d'autres mots, ils sont du côté d'Obama plutôt que de celui de Bush.

A partir de quand Obama sera-t-il responsable de la situation actuelle - bonne ou mauvaise? «Je ne pense pas qu'il y ait de moment précis », explique Mark Blumenthal, de Pollster.com. Ce sera progressif, estime-t-il, mais « nous n'en sommes à mon avis pas encore là».

Le premier anniversaire de l'arrivée au pouvoir d'Obama pourrait être une date cruciale. «Novembre, ou plus certainement janvier, sera je pense un point de référence dans l'esprit des gens», explique Ted Gayer. «Si la situation ne s'améliore pas avant le printemps, je pense que les Américains accuseront l'administration actuelle.»

Le déclic aurait aussi pu être le moment où le plan de relance était censé être mis en oeuvre. Le problème, c'est que ce plan a débuté en février et qu'il doit se poursuivre jusqu'à fin 2011. Le gouvernement pourra donc toujours dire qu'il serait prématuré de juger le plan alors que seulement la moitié de l'argent a été dépensée. Ce n'est pas une excuse, répond Dean Baker : ce qui compte le plus, ce n'est pas le montant dépensé mais le rythme auquel l'argent est dépensé. Or, celui-ci ne devrait plus augmenter.

Quand la situation économique de Bush deviendra-t-elle celle d'Obama? Quoi qu'en disent les sondages, c'est le 2 novembre 2010 (date des élections législatives de la mi-mandat) que nous aurons la réponse — le seul sondage qui compte réellement.

Christopher Beam

Traduit par Chloé Leleu

Image de une: Le 1er octobre 2009. Jim Young / REUTERS

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