C’est à l’aube que l’attaque a eu lieu, dans la ville frontalière de Ben Gardane. Lundi 7 mars, une soixantaine de combattants islamistes s’en sont pris simultanément à une caserne de l’armée, un poste de police et un poste de gendarmerie. Bilan: trente-six morts côté djihadistes, douze côté forces de l’ordre, et sept civils, dont une fillette de 12 ans. Les autorités ont fermé la frontière, créé des points de passage à Ben Gardane et instauré un couvre-feu.
Sur plus de 200 kilomètres de frontière, les autorités tunisiennes ont construit un mur de sable et érigé des obstacles. Ils ont également fait appel à des entreprises américaines et allemandes pour installer un système de surveillance électronique.
Car cette agression risque bien d’être suivie par d'autres dans la région. Déjà attaquée plus tôt dans la semaine, cette ville de 60.000 habitants, à seulement vingt-cinq kilomètres de la frontière libyenne, est l’objet de convoitises de la part de Daech.
Cette flambée de violences est la conséquence directe du raid américain mené le 19 février 2016 contre une base de Daech dans la ville libyenne de Sabartha, à une centaine de kilomètres du territoire tunisien. Dispersés, les djihadistes tentent de regagner des forces en prenant le contrôle de nouveaux territoires. Selon le Pentagone, cet assaut a permis d’éviter un attentat. Mais aujourd’hui, c’est une menace constante qui pèse sur la zone frontalière entre les deux pays du Maghreb.
Cinq ans après le printemps arabe, l’intervention occidentale en Libye et la mort du dictateur Mouammar Kadhafi, le grand vainqueur dans la région est l’État islamique. Profitant du vide politique et sécuritaire et des armes abandonnées sur les champs de bataille, le groupe terroriste a pris le contrôle total de quelques bouts de territoire.
Volonté d’expansion territoriale
Pas de quoi rassasier l’appétit conquérant des djiahdistes. En mars 2015, la revue de l’État islamique, Dabiq, affichait en une la grande mosquée de Kairouan, située en Tunisie et interrogeait le djihadiste franco-tunisien Boubakar el-Hakim. Une couverture pas vide de sens. Le spécialiste de la Tunisie, David Thomson, confiait alors au Figaro:
«L'image ne doit rien au hasard. La grande mosquée de Kairouan, appelée Oqba Ibn Nafi du nom de son fondateur, un chef militaire propagateur de l'islam au temps des Omeyyades, est un symbole de l'islam tunisien. Kairouan est même considérée comme la 4e ville sainte de l'islam par certains musulmans. Le message est clair: l'État islamique a décidé de faire de la Tunisie sa cible. […] L’État islamique reproche à la Tunisie la même chose qu’aux pays musulmans engagés dans la transition démocratique: avoir pactisé avec le diable, l’Occident.»
Frontière poreuse
Un objectif d’autant plus réalisable pour Daech que la frontière entre la Libye et la Tunisie est extrêmement poreuse. La région a toujours vécu des trafics informels de biens de consommation tels que l’essence, les cigarettes, ou encore les armes. Un manque de contrôle volontaire des autorités qui mène également les jeunes Tunisiens radicalisés à facilement rejoindre les troupes de Daech en Libye.
Ainsi, les attentats en Tunisie se sont multipliés, avec l’exemple de l’attaque du musée du Bardo en mars 2015, et celui de la tuerie sur la plage touristique de Sousse, trois mois plus tard.