France

Après les attentats du 13 novembre, le rôle des secours remis en question

Temps de lecture : 3 min

Les autorités ont salué l'efficacité de la prise en charge des victimes des attaques. Mais d'autres voix se font entendre et pointent des «défaillances» et des «dysfonctionnements».

Des pompiers en intervention dans le Xe arrondissement après les attaques terroristes, le 13 novembre 2015. | KENZO TRIBOUILLARD /AFP
Des pompiers en intervention dans le Xe arrondissement après les attaques terroristes, le 13 novembre 2015. | KENZO TRIBOUILLARD /AFP

Un peu plus de trois mois après les attentats du 13 novembre 2015, les travaux de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la lutte antiterroriste se poursuivent. Après une première table ronde, le 15 février, lors de laquelle des victimes et des proches de victimes ont fait part de leurs critiques sur la prise en charge et la communication maladroite (voire défaillante) des autorités, c'est le rôle des établissements médicaux qui était discuté en table ronde, lundi 19 février 2016.

Jean-Marc Debonne, médecin général des armées et directeur central du service de santé des armées (SSA), y a salué «l'engagement, le dévouement et la compétence des personnels du SSA, qui ont fait preuve d'une exceptionnelle réactivité et d'une efficacité difficilement égalable dans un tel contexte». En soulignant la prise en charge des blessés physiques et psychiques, Jean-Marc Debonne signale que ses services ont «tout mis en œuvre pour apporter aux victimes une prise en charge visant à préserver leur survie et, le cas échéant, de moindres séquelles physiques et psychiques».

Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), s'est lui attaché à saluer la «force» des établissements médicaux parisiens et leur rapide mobilisation. «À aucun moment il n'y a eu un manque de personnel» dans les hôpitaux ni dans les heures qui ont suivi les attaques, ni dans les jours qui ont suivi, a-t-il insisté.

Un scénario, plusieurs versions

À plusieurs reprises, les autorités ont souligné la réactivité des secours dans la prise en charge des victimes des attaques terroristes. Devant la commission de la Défense de l'Assemblée nationale, le 16 décembre 2015, le général Philippe Boutinaud, chef de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, attribuait le succès de l'opération à «l'organisation», «l'anticipation» et aux «décisions» des secours:

«Il n’y a pas eu de dysfonctionnement important au regard de l’ampleur des missions à remplir. [...] Nous avons été efficaces le 13 novembre dernier, et il aurait été difficile de faire mieux. Il ne s’agit pas d’une autocélébration et nous devons nous pencher non pas sur la guerre que nous venons de vivre, mais sur la prochaine.»

Dans un article publié dans la revue médicale The Lancet, dix jours après les attentats, Martin Hirsch, Pierre Carli (médecin-chef du Samu de Paris) et plusieurs médecins dressaient un constat similaire: «Il n’y a eu aucun manque de coordination, aucun retard, aucune limite n’a été atteinte.»

Pourtant, cette présentation des opérations ne fait pas l'unanimité. Georges Salines, président de l'association de victimes 13 novembre: fraternité et vérité, a raconté à Mediapart le retour d'expérience organisé par le ministère de la Santé, auquel il a pu participer le 20 janvier:

«Nous n’y avons pas été conviés, nous avons dû nous imposer. Nous avons écouté une suite de discours apologétiques, autosatisfaits. [...] On voit bien que l’ensemble des dispositifs, policiers ou médicaux, ont été dépassés. Pourtant, ce qui s’est passé était prévisible.»

Un «conflit de pouvoir»

Le rôle des secours a-t-il été aussi efficace que ce que prétendent les autorités? Dans son enquête, Mediapart liste (et nuance) les «dysfonctionnements». Pourquoi le Samu est-il passé à côté de La Bonne Bière, où cinq personnes ont été tuées? Pourquoi a-t-il mis autant de temps à intervenir à La Belle Équipe, où dix-neuf personnes ont trouvé la mort? Pourquoi les pompiers n'y ont-ils pas envoyé de médecins? Contactés par Mediapart, les principaux intéressés ont décliné tout commentaire:

«Ces dysfonctionnements devraient pourtant être analysés, afin que des améliorations soient apportées, écrit le site. Ils sont pour l’instant largement niés.»

L'enquête aborde les problèmes de communication et de coordination entre les deux systèmes de secours, les pompiers et le Samu –des militaires et des hospitaliers– entre lesquels règne un «très vieux conflit de pouvoir» et «parfaitement connu». Dans les faits et dans de telles circonstances, les pompiers et le Samu doivent s'entendre sur les moyens de secours à envoyer pour être le plus rapide et le plus efficace.

Mais, le soir des attentats, «ce système complexe n'a pas fonctionné», note le site. La cellule de régulation du Samu, qui a dû s'en remettre à des tableaux blancs plutôt qu'à l'informatique, est particulièrement visée. Mediapart parle d'une «gestion de crise artisanale».

Des secours sous-équipés

Riverain de La Bonne Bière et de La Casa Nostra, près de la place de la République, le docteur Michel Bonnot, anesthésiste-réanimateur, est arrivé sur les lieux très rapidement. Dans deux interviews données juste après les faits à RTL puis au Quotidien des médecins, il raconte son sentiment d'impuissance, même après l'arrivée des pompiers:

«Il n’y avait rien! Seulement de l’oxygène, des couvertures de survie et des garrots pour les membres. Même pas de morphine pour les blessés qui hurlaient de douleur.»

Pour Michel Bonnot, certains blessés auraient même pu être sauvés avec un minimum de soins et davantage de matériel:

«Je dirais que tous les blessés graves de la Fontaine-au-Roi sont morts. Certains auraient pu être sauvés. Seuls les blessés légers (balles dans les jambes ou dans les bras) sont survivants. Pas de quoi pavoiser.»

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