France

Pour Sarkozy, une mise en examen à minima mais qui fait mal

Temps de lecture : 3 min

L'ancien président de la République est «seulement» mis en examen dans l'affaire du dépassement du plafond légal des dépenses de campagne lors de la présidentielle 2012. Mais la justice ne ferme pas la porte à une implication plus large dans l'affaire Bygmalion.

Nicolas Sarkozy à la sortie du pôle financier, le 16 février 2016. Geoffroy Van der Hasselt/AFP.
Nicolas Sarkozy à la sortie du pôle financier, le 16 février 2016. Geoffroy Van der Hasselt/AFP.

Il a échappé au pire, mais pas à des poursuites formelles qui font peser de graves menaces sur sa précampagne présidentielle. Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour financement illégal de campagne, mardi 16 février, en application de l'article L.113-1 alinéa 3 du code électoral, qui punit d'une peine de 3.750 euros d'amende et d'un an de prison (mais pas d'une peine d'inéligibilité) le fait d'avoir «dépassé le plafond des dépenses électorales» fixé par la loi. Il a également été placé sous le statut de témoin assisté pour les chefs d'usage de faux, escroquerie et abus de confiance dans le cadre des dépenses engagées lors de sa campagne présidentielle 2012.

Comment interpréter cette mise en examen? Pour l'instant, Nicolas Sarkozy est en fait formellement poursuivi dans l'aspect le moins sulfureux du dossier: la justice lui reproche d'avoir dépassé en 2012 le plafond légal des dépenses de campagne, fixé à 22,5 millions d'euros. Ce dont plus grand monde ne doutait: à cause de ce dépassement, estimé à l'époque à plus de 466.000 euros, le Conseil constitutionnel avait déjà invalidé ses comptes à l'été 2013, lui infligeant 363.615 euros d'amende et le privant du remboursement de 47,5% de ses dépenses de campagne. Cela avait, à l'époque, déclenché le «Sarkothon», cette collecte auprès des militant de l'UMP visant à récolter plus de 10 millions d'euros.

Un délit «rarement actionné»

Cette mise en examen est évidemment tout sauf anodine, les juges ayant semble-t-il voulu se raccrocher au point de droit le plus accessible pour mettre en examen l'ancien président de la République. En octobre 2014, le parquet avait pris un réquisitoire supplétif pour étendre ses investigations à ce que Libération qualifiait alors de «délit mineur», mais qui présente la particularité de viser explicitement et uniquement Nicolas Sarkozy: seul le candidat entre dans le champ de l'article L.113-1, pas son trésorier ni son équipe de campagne.

À l'époque, Mediapart notait que l'article L.113-1 «est rarement actionné par la justice pénale: les procureurs de la République semblent considérer en général qu’un candidat qui voit son compte retoqué par le juge administratif [...] est déjà suffisamment plombé par le non-remboursement de ses frais de campagne, voire par l’annulation de l’élection qui en découle. [...] [La Commission nationale des comptes de campagne et le Conseil constitutionnel] ont sans doute considéré que le non-remboursement par l’État de 10,6 millions d’euros de frais de campagne constituait un coup de tonnerre suffisant dans le paysage politique. En clair, pas besoin d’en remettre une couche devant le juge pénal.»

Fusibles

Il avait fallu attendre mai 2014 pour que cette affaire de dépassement de compte de campagne devienne «l'affaire Bygmalion», avec la révélation par Libération de dépenses folles de l'UMP au profit de la société de communication lors de la campagne, puis les aveux de Jérôme Lavrilleux, le bras droit de Jean-François Copé.

Dans cette affaire, les chefs d'accusation, de type escroquerie, faux ou abus de confiance, sont judiciairement et politiquement bien plus dévastateurs: jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende. Mais, à la différence du financement illégal de campagne, les fusibles peuvent y jouer (une dizaine de cadres de l'UMP, de la campagne Sarkozy et de Bygmalion sont mis en examen) s'il est prouvé que l'information sur ces pratiques n'est pas remontée jusqu'à Nicolas Sarkozy.

Pour l'instant, dans ce dossier-là, l'ancien président n'est pas mis en examen (ce qui signifierait que des «indices graves ou concordants» pèsent sur lui) mais placé sous statut de témoin assisté, ce qui signifie que «des indices [rendent] vraisemblable qu'il ait pu participer à la commission des infractions dont le juge est saisi» (n'en déplaise à Valérie Debord). Ce statut est susceptible d'évoluer au cours de la procédure et ne préjuge évidemment rien d'un éventuel procès: dans l'affaire Bettencourt, Sarkozy a d'abord été témoin assisté puis mis en examen avant de bénéficier d'un non-lieu.

On pourrait donc, en résumant abruptement, dire que Nicolas Sarkozy est mis en examen dans l'affaire de son compte de campagne et placé sous statut de témoin assisté dans l'affaire Bygmalion. Mais les deux affaires sont évidemment liées (le parquet parle du dossier «Bygmalion-compte de campagne») puisque tout l'objectif des manœuvres alléguées dans l'affaire Bygmalion était de raboter (de 12 millions d'euros? de 19 millions d'euros?) le compte de campagne du candidat en minimisant les dépenses présentées ou en les faisant supporter par l'UMP. À la sortie de l'audition, le conseil de l'ancien président de la République, Me Herzog, s'est réjoui de voir son client mis en examen pour «une infraction formelle» et a pensé que le juge «a considéré que l’affaire dite Bygmalion ne concernait pas le président Sarkozy». Pour l'instant, le second constat est partiellement faux et prématuré.

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