On dirait presque de la poésie. Dans un communiqué très officiel, le Centre aérospatial allemand (DLR) a prévenu que «le temps est venu de dire au revoir à Philae». Pour les scientifiques allemands, les chances de rétablir le contact avec le robot, muet depuis près de sept mois, sont «proches de zéro».
En cause, les fraîches températures enregistrées sur la comète Tchouri –où le robot s’est posé depuis novembre 2014– et la poussière qui recouvre ses panneaux solaires. Car Philae n’a pas été conçu pour supporter de telles conditions climatiques et, faute d’un ensoleillement suffisant pour recharger ses batteries solaires, le robot est incapable de se remettre en marche.
Fin d’une belle histoire
Après une opération de la dernière chance menée en janvier 2016, les scientifiques de la mission n’ont désormais nul autre choix que d’abandonner le robot à son triste sort. Pessimiste mais réaliste, Stephan Ulamec, l’un des responsables de la mission auprès du Centre aérospatial allemand, a fait le point sur la situation:
«Il serait très surprenant que nous recevions un signal maintenant. Malheureusement, la probabilité que Philae rétablisse le contact avec notre équipe au centre de contrôle du Centre aérospatial allemand est pratiquement nulle. Nous n’enverrons plus d’ordres.»
Adieu, Philae? Pas si vite, tempèrent les équipes du Centre national d’études spatiales (Cnes) installées à Toulouse. Dans un contre-communiqué, les Français tiennent à rappeler que la sonde Rosetta est encore (et restera) à l’écoute de Philae et qu’il «existe des chances de pouvoir établir à nouveau le contact dans les mois qui viennent». Le Cnes reste toutefois lucide et parle d’un espoir «minime».
Et la fin de l’aventure semble déjà y être actée. Philippe Gaudon a fait savoir «qu’une bonne partie de l’équipe» de Philae du Cnes avait été affectée à «d’autres missions» et que ça allait «être dur de passer à autre chose», ajoute 20 Minutes.
«Comme tuer Bambi»
Tirer un trait sur l’épopée dans l’espace de ce petit robot est un exercice douloureux pour tous ceux qui ont suivi ses péripéties sur le sol de la comète Tchouri et ses différentes découvertes. Grâce à une communication habile et une personnification de Philae, l’Agence spatiale européenne est parvenue à saisir et tenir en haleine le grand public sur le sujet pourtant complexe qu’est la recherche astronomique.
Un compte Twitter à son nom, des dessins animés... «Philae est presque devenu une entité vivante, admettait Philippe Gaudon, responsable du projet Rosetta au Cnes, en janvier 2016. C’est comme un petit personnage. Il a trois jambes pour se poser et un cerveau: son logiciel de vol».
En novembre 2015, Mark McCaughrean, conseiller scientifique de l’Agence spatiale européenne, allait plus même loin: «Le jour où nous tuerons Philae, ce sera comme tuer Bambi.» Pas étonnant que, pendant longtemps, l’Agence spatiale européenne ait préféré parler d’endormissement du robot plutôt que de décès. Dans une jolie lettre d’adieu, Télérama a bien décrit l’attachement quelque peu irrationnel que nous entretenons avec cet engin:
«C’est étrange d’observer comme ton statut a changé au cours du temps ; de bête robot à trois pattes, tu es devenu par le jeu de la communication et de l’anthropomorphisme, sinon un égal, au moins une part de nous, un prolongement. [...] Je pense que, dans ses fantasmes les plus fous, l’Agence spatiale européenne n’imaginait pas que tu attirerais autant de sympathie.»
La fin de l’aventure de Philae laisse désormais le champ libre à d’autres engins qui ont tout pour devenir les prochaines vedettes de l’exploration spatiale. Exomars, Juno, Mascot... Le Huffington Post a listé les «prochains Philae», qui, de Jupiter à la planète Mars, ne manqueront pas de marquer, chacun à leur manière, l’histoire de la conquête spatiale.