Entre 70 et 80 personnes ont été tuées vendredi 9 octobre dans le sud du Nigeria à la suite de l'explosion d'un camion-citerne rempli d'essence qui a mis le feu à plusieurs autres véhicules, ont rapporté samedi 10 octobre plusieurs quotidiens nigérians. Selon ces journaux qui citent des témoins et des policiers locaux de l'Etat d'Anambra, le camion-citerne s'est renversé à cause d'un nid de poule sur la voie express entre les villes d'Onitsha et Enugu. Il a alors explosé, mettant le feu à plusieurs autres véhicules, notamment cinq minibus bondés de voyageurs.
Le directeur de la sécurité routière de l'Etat, Ben Ekenna, a déploré l'état désastreux des routes, assurant que "si rien n'est fait rapidement, des tragédies comme celle-là se reproduiront".
Des milliers d’hommes remettant leurs armes, au premier rang desquels Tom Ateke, l’un des plus importants chefs rebelles du Delta du Niger. Nous sommes le 1er octobre, dernier jour de l’armistice décrété par le Président nigérian Umaru Yar Adua. Une grande première dans un pays plus connu pour ses accès de violence que pour ses négociations de paix.
Une nouvelle politique pacifique
Le Président Yar Adua a rompu avec la politique de violence initiée par ses prédécesseurs, ouvert des négociations et offert l’amnistie aux chefs rebelles qui ont transformé le delta du Niger en zone de guerre depuis près de trois ans. Il a même fait libérer en juillet Henry Okah, l’un des chefs du MEND (Mouvement pour l’émancipation du Delta du Niger), principal groupe rebelle. Du coup, le MEND a décrété un cessez-le-feu qui va s’achever le 15 octobre. Jusqu’alors les autorités nigérianes avaient eu recours à la force pour tenter de rétablir l’ordre dans le delta. L’armée a répondu à la violence par la violence. Point d’orgue de cette politique de terreur : la pendaison en novembre 1995 de Ken Saro Wiwa; écrivain et militant écologiste qui s’était battu pour que les droits au développement de son ethnie, les Ogonis, soient reconnus.
Depuis lors, les habitants du delta délaissent les meetings politiques et se sont mis à militer à coups de kalachnikovs. Ils demandent une meilleure répartition des fruits de l’exploitation pétrolière (90 % des rentrées en devises du Nigeria proviennent des gisements pétroliers du delta). La région est exploitée depuis cinquante ans. L’or noir a rapporté des centaines de milliards à l’Etat nigérian, mais le delta toujours dépourvu de routes, d’hôpitaux et d’écoles, n’en a pas vu la couleur. La pollution pétrolière y atteint de tels niveaux que le poisson de la lagune est bien souvent cancérigène. Un drame pour les populations du delta qui vivaient essentiellement de la pêche.
La haine du gouvernement
Les «peuples» de la région éprouvent le plus souvent de la haine pour le régime fédéral. Les exactions de l’armée -meurtres et viols par centaines- n’ont fait que renforcer ces sentiments. Ne pouvant compter sur le soutien des populations locales, l’armée est aussi désavantagée par sa méconnaissance du delta. Les rebelles sont d’autant plus difficiles à débusquer que la région est aussi grande que l’Ecosse. L’armée n’a pas les moyens de la contrôler. Trois ans après son accession au pouvoir, le président Yar Adua a compris qu’il n’avait pas d’autre choix que la négociation, d’autant que les partenaires du Nigeria commencent à s’irriter de cette instabilité chronique.
En 2006, le Nigeria produisait 2,6 millions de barils par jour. Il y a quelques mois, la production avait chuté à à peine un million, alors que les autorités d’Abuja affirment que le Nigeria pourrait produire quatre millions de barils par jour. Celles-ci sont d’autant plus promptes à enterrer la hache de guerre que les rebelles ont multiplié les démonstrations de force. Ne se contentant plus d’opérer dans le lointain delta ils ont déployé des troupes jusqu'à Lagos, la capitale économique, située à des centaines de kilomètres du delta. La ligne de front entre les rebelles et le gouvernement fédéral s’est désormais déplacée jusqu’au cœur du pays. Les attaques semblent maintenant plus réelles que jamais et les citadins doivent accepter de chercher d’autres moyens de s’approvisionner en essence (en fioul pour faire fonctionner les générateurs qui remplacent l’approvisionnement souvent inexistant en électricité).
Déposer les armes sans quitter le maquis
«Citadine depuis ma naissance, j’avoue que je suis terrorisée à la pensée des événements à venir. Je suis peut-être naïve, mais je n’avais jamais imaginé que Lagos puisse devenir une cible» écrit une journaliste de Next, influent journal nigérian. Les rebelles du MEND sont en position de force. Ils annoncent qu’ils n’ont aucunement l’intention de déposer les armes et qualifient l’amnistie de mascarade. «Tous les commandants ont été remplacés … la prochaine phase de notre campagne commencera bientôt» affirme le MEND.
Alors qu’il déposait les armes, Tom Ateke a prévenu que ses combattants «retourneraient dans les criques» et reprendraient leurs attaques si les autorités ne tenaient pas leurs promesses de développement de la région. Des milliers d’hommes sont toujours dans le «maquis» local, la mangrove. Seules 1 % des armes en circulation dans le delta auraient été restituées aux autorités fédérales. Même si l’Etat investissait massivement dans le développement de la région, le retour à la paix ne serait pas pour autant garanti.
L’économie du delta s’est criminalisée au cours de la dernière décennie. Le trafic de pétrole rapporte des centaines de millions de dollars aux rebelles et à leurs alliés. Des hommes politiques de premier plan financent la rébellion qui leur offre un excellent retour sur investissement. Le pétrole volé dans les pipelines est revendu dans toute l’Afrique de l’ouest. Lors des pénuries d’essence de contrebande au Nigeria, tous les pays de la région se trouvent paralysés. Dès lors, la volonté américaine de faire du golfe de Guinée et de ses richesses pétrolières un substitut paisible au golfe Persique risque de rester longtemps lettre morte. Dans les années à venir, il ne faudra guère compter sur le Nigeria pour augmenter sa production pétrolière. Et faire baisser les cours de baril. Le Delta du Niger restera longtemps une des zones les plus volatiles et dangereuses du monde. Une mare de pétrole nauséabonde sur les eaux glauques de la lagune.
Pierre Malet
Image de une: Reuters/George Esiri; incendie à la suite de l'explosion d'un pipeline à Adedje dans le delta du Niger, Nigeria 12 jullet 2000.