Alors que le scepticisme et les critiques dominent dans la presse, ce vendredi 12 février, après le remaniement gouvernemental, il y a au moins un journal qui se réjouit. Il s'agit de La Dépêche du Midi, qui appartient à Jean-Michel Baylet... le nouveau ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, et patron du Parti radical.
Vingt-trois ans après son dernier passage au gouvernement, cela valait bien un joyeux édito. Et c’est le rédacteur en chef, Jean-Claude Souléry, qui s’en charge, dans un article intitulé «Dernière séquence», où il vante le «sang-froid» d'un François Hollande qui «ne se dérobe pas» devant le chômage. Mieux: il «réussit la meilleure synthèse à gauche possible en intégrant, non seulement son ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, mais encore deux chefs de partis, l'écologiste Emmanuelle Cosse et le radical Jean-Michel Baylet, autant dire deux symboles forts du rassemblement à gauche». En fait, il «ne s'est pas contenté d'une sorte de rafistolage» mais a réussi un «habile dosage politique» et proposé un «pari raisonnable» sur l'avenir.
Alors que la veille, la déclaration du chef de l'État affirmant qu'il ne procédait pas à des «calculs politiques» avait suscité moult railleries sur Twitter, le rédacteur en chef de la Dépêche du Midi pense visiblement tout le contraire: «Plus qu'un simple calcul, c'est le défi qu'il veut engager pour le pays.»
Le journal «résiste au doute ambiant», s’amuse sur France Inter Hélène Jouan dans sa revue de presse (à 2'50''). Il faut dire que l’éditorial se permet aussi quelques accents de lyrisme: «Désormais, voilà donc regroupée la gauche du "possible", qui veut avancer les yeux ouverts et tourner résolument le dos aux incantations des beaux parleurs.»
Ce n’est pas la première fois que le quotidien est accusé de mettre son esprit critique en berne sur les questions de politique intérieure. En 1985, alors que Jean-Michel Baylet venait d’être nommé un an plus tôt secrétaire d'État aux relations extérieures, Le Monde écrivait ainsi qu'«il faut croire que les liens de la Dépêche avec la gauche ne sont pas de circonstance! Dans l'affaire Greenpeace, la Dépêche s'est ainsi alignée sans états d'âme apparents sur les positions officielles». Le quotidien, qui avait été à l'origine des révélations sur l'explosion du Rainbow Warrior, décrivait ensuite par le menu la «publicité continue» dont bénéficient les élus de gauche dans les pages du journal local, mais aussi le maire de Toulouse de l’époque, Dominique Baudis (UDF) à la faveur d’une utile «cohabitation». Les journalistes du quotidien doivent être depuis hier tout à fait sereins.