Dernièrement, nous nous sommes interrogés sur les pluies acides. Il s'agissait d'une des grandes questions environnementales du siècle dernier. Cela m'a fait penser à un autre fléau lui aussi très en vogue dans les années 1980: le fameux trou de la couche d'ozone. On n'en entend plus parler. Qu'est-il devenu?
Il ne s'est pas rebouché. Il y a quelques semaines, le «trou», qui en fait de trou, est plus précisément un amincissement localisé et saisonnier de la couche d'ozone, était plus grand qu'il ne l'était au pic de la «panique ozone» des années 80. (Actuellement, il atteint presque la taille de l'Amérique du Nord.) La couche d'ozone se porte bien mieux aujourd'hui qu'elle ne se porterait si la planète n'avait pas pris des mesures décisives il y a 20 ans. Mais les dégâts que nous avons causés par le passé vont mettre bien du temps à être réparés.
Vous vous souvenez peut-être que l'ozone, gaz composé de trois atomes d'oxygène (O3), contribue à nous protéger des rayons ultraviolets de type B (UV-B). L'ozone, qui est créé par l'action du rayonnement solaire sur l'oxygène (O2), se concentre principalement dans la basse stratosphère, soit grosso modo entre 10 et 50 kilomètres d'altitude. Certains gaz, notamment les composés chlorés et bromés, détruisent les molécules d'ozone. À partir des années 1970, la communauté scientifique a commencé à suspecter que l'utilisation massive de produits chimiques décuplait la présence du chlore et du brome dans la stratosphère. L'inquiétude s'est alors centrée sur les chlorofluocarbures (CFC) utilisés dans les réfrigérateurs, les climatiseurs et les aérosols, et sur les gaz halons utilisés dans les extincteurs. (À noter que les technologies humaines sont également génératrices d'ozone, mais d'un type qui reste à basse altitude et qui peut causer divers problèmes de santé.)
Au milieu des années 1980, il a été démontré que l'appauvrissement de la couche d'ozone risquait d'augmenter le nombre de cancers de la peau et de cataractes chez les humains, en même temps qu'il menaçait une partie de la faune et de la flore terrestre. En 1985, à l'issue de plusieurs sommets organisés sous l'égide des Nations Unies, 21 pays ont posé les bases d'une coopération pour étudier et surveiller le phénomène. Mais, deux mois plus tard, la découverte, par une équipe britannique, d'un immense "trou" de la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique, a accéléré le cours des choses : l'urgence du problème est devenue flagrante.
En 1987, 24 pays ont ainsi ratifié le protocole de Montréal (PDF), accord international historique destiné à interdire la production et l'utilisation de près de cent des produits chimiques les plus destructeurs d'ozone. Depuis septembre 2009, avec la signature du Timor oriental, le protocole est ratifié par tous les pays membres des Nations unies.
À ce jour, 97 % des substances visées par le protocole de Montréal ont été abandonnées et remplacées dans l'industrie par des composés moins dangereux pour l'ozone, tels que les hydrofluorocarbures (HFC). Les 3 % restants devraient être supprimés progressivement d'ici à 2040. Selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), le respect du protocole a évité quelque 20 millions de cancers de la peau et quelque 130 millions de cataractes. Par ailleurs, nombre de composés destructeurs d'ozone étant également des gaz à effet de serre, l'accord a aussi contribué à lutter contre le réchauffement climatique : un article scientifique paru en 2007 a ainsi estimé que sur les 20 dernières années, le protocole avait empêché, annuellement, l'émission de 10,7 à 13,8 milliards de tonnes équivalent carbone.
Cependant, il faudra encore plusieurs décennies avant que le trou de l'Antarctique ne se résorbe complètement, car les gaz destructeurs d'ozone émis avant le protocole de Montréal se trouvent toujours dans la stratosphère, ou sont pas en train de s'y diriger. Certains de ces gaz peuvent flotter ainsi pendant un siècle, avant d'être dissous ou évacués par les courants d'air.
De plus, la cicatrisation de la couche d'ozone est ralentie par une autre complication. Le mois dernier, des chercheurs de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA, Agence américaine de l'étude des océans et de l'atmosphère) ont publié un article établissant que le protoxyde d'azote (N2O), qui n'est pas réglementé par le protocole de Montréal, était en passe de devenir le plus grand ennemi de l'ozone. En effet, le chlore contenu dans certains des gaz les plus corrupteurs d'ozone, comme les CFC, amoindrit les effets du protoxyde d'azote dans la stratosphère. Or, comme la présence de composés chlorés diminue, le N2O est libre d'y faire davantage de ravages. (Comme Slate.com l'a déjà noté, le protoxyde d'azote est aussi un important gaz à effet de serre.)
Autre point noir : la réparation de la couche d'ozone pourrait faire empirer d'autres phénomènes environnementaux. Car si les hydrofluorocarbures qui ont remplacé les CFC ne détruisent pas l'ozone, certains ont néanmoins un potentiel d'effet de serre beaucoup plus élevé que le CO2. Étant donné le boom d'émissions attendu dans les pays en développement, à cause notamment d'un énorme appétit pour les système réfrigérants, ces produits chimiques pourraient bientôt devenir l'un des principaux facteurs du réchauffement climatique. (Les scientifiques considèrent que d'ici à 2050, les HFC pourraient représenter un cinquième des émissions nocives en équivalent CO2.) En septembre dernier, les États-Unis, le Canada et le Mexique ont lancé un appel commun à la "réduction progressive" des HFC, qui peuvent dans certains cas être remplacés par des substances moins dommageables pour l'environnement, tels le dioxyde de carbone et l'ammoniaque, ou par des HFC à moindre potentiel d'effet de serre. En novembre 2009, les signataires du protocole de Montréal tiendront leur rencontre annuelle en Égypte. Le sujet devrait donc rester d'actualité dans les mois à venir.
Nina Shen Rastogi
Traduit par Chloé Leleu
Image de une: Aurora IV par Deivis via Flickr
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