Culture

Le mot de la semaine: votation

Temps de lecture : 3 min

Le mot de la semaine.

Dans un bureau de vote à Athènes, Octobre 09
Dans un bureau de vote à Athènes, Octobre 09

Après le referendum tenu la semaine dernière en Irlande, l'auteur, il l'avoue, a été tenté de consacrer cette chronique au mot oui, «l'un des plus beaux mot de notre langue française» aurait dit, paraît-il, le général de Gaulle, qui s'y connaissait en oui et en non. Ce n'eût pas été moins un prétexte pour gloser sur la palinodie et évoquer le souvenir de Gaston Defferre, qui, s'y connaissant lui aussi, avait donné le nom de Palinody à son voilier.

Mais le mot votation s'est imposé sans qu'on lui puisse résister. Après tout, le peuple de la verte Érin- notez que l'auteur n'a pas oublié le cliché de rigueur- était bel et bien appelé à une votation. Et son oui a succédé à son non de l'an dernier: ce qui constitue, au sens propre, une palinodie.

L'équité oblige à reconnaître que les Irlandais ont fait honneur a leur fond celte: ils ont tranché par deux fois, serait-ce en sens opposés, là où leurs origines normandes ont conduit les Anglais à répéter, s'agissant de l'Europe, le «p'têt bien qu'oui, p'têt bien qu'non» qui n'a pas fini d'exaspérer les Continentaux - et qui évitera peut-être aux Tories de manger leur chapeau s'ils gagnent, ainsi que les bookmakers le leur promettent, les élections à venir, puisque chez nos meilleurs ennemis comme chez nous, les promesses de referendum auxquelles on a pu se laisser aller dans l'opposition n'engagent, lorsque l'on parvient au pouvoir, que ceux qui y ont cru.

Venons-en à la votation, dite citoyenne (on se demande en quel honneur), consacrée à la Poste qui, nous dit-on, a permis de ressouder l'unité de la Gauche. L'auteur, à nouveau, doit passer aux aveux alors que l'éducation calviniste reçue de ses parents l'aurait dû pousser à refuser une confession. À la vérité, il a séjourné quelques longues années en Suisse pour le compte de l'Agence France Presse: c'est dire s'il a rendu compte, au fil des week-ends, de plus de votations qu'un évêque n'en pourrait bénir, à propos de sujets d'une diversité à faire pâlir chaque professeur de droit constitutionnel comparé banalement constitué. Tout juste s'il ne se présente pas en maître ès votations, en spécialiste du suffrage démocratique. Bref, en pro.

Et que va-t-il avancer, fort de son expérience (et de quelque ironie, face aux excès de jubilation certains confrères)? Simplement ceci: sans doute lassés des innombrables scrutins d'initiative populaire qui leur sont proposés chaque année, les citoyens helvétiques votent peu. La participation, en règle générale, ne dépasse pas 20% des inscrits (sauf dans le petit canton de Schaffhouse où le vote est obligatoire). Il faut quelques très grands sujets - l'approbation de l'institution du régime fédéral de retraites AVS en 1947 ou le refus du rejet des immigrés en 1970 - pour que les Suisses se rendent en masse, à 70% et plus, aux urnes.

Cependant, les organisateurs de la votation citoyenne se seraient satisfaits d'un taux de participation à la suisse, gageons-le. À s'en tenir à leurs chiffres officiels, 2 123 717 citoyens, pas un de moins, ont pris part à ce vote sauvage. En prenant comme référence le nombre des inscrits à l'élection présidentielle de 2007, soit 44 472 733, on obtient une participation de moins de 5% à l'échelle nationale (on fait grâce au lecteur de la virgule et des décimales qui suivent le 4). Et si l'on poursuit dans cette voie, on note que les adversaires d'une privatisation de la Poste dépassent à peine 4,5% du corps électoral. D'où l'on serait en droit d'inférer, sans caricature, au nom du principe «qui ne dit mot consent», que 95,5% des Français ne s'opposent pas, ou, même, sont favorables, à une privatisation.

Pourtant chantre patenté de la démocratie directe, l'un des plus éminents professeurs de la faculté de Droit de Genève nous confiait naguère que «l'on ne se méfie jamais assez des votations». Tous décomptes faits et refaits, ceux qui ont voulu consulter le peuple français de cette manière lui donneront peut-être raison.

Marc Menonville

Image de une: Dans un bureau de vote à Athènes, Octobre 09/Reuters

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