La comédie américaine The Hangover («Very Bad Trip» en France) a été l'un des gros succès de l'été au box-office mondial. Il met en scène une bande d'amis partant enterrer la vie de garçon de l'un d'entre eux à Las Vegas. Mais au lendemain de leur première soirée dans la capitale du vice, ils se réveillent sans aucun souvenir de la veille et sans le futur marié. Qu'est-ce qui peut causer une perte de mémoire, ou blackout, d'une soirée entière?
Que ceux qui n'ont pas vu le film et comptent le faire bientôt s'arrêtent maintenant. La cause du trou de mémoire des acolytes de The Hangover est le Ghb, dont un d'entre eux a mélangé de grandes quantités dans les verres de ses compagnons.
Très médiatisé depuis les années 1990 sous le nom de «drogue du violeur», le Ghb ingurgité à fortes doses est supposé induire une hypnose associée à une amnésie. Mais selon Nathalie Leresche, chercheuse au CNRS, il n'existe aucune étude scientifique sur les effets de l'ingurgitation par l'homme de Ghb à fortes doses, et rien n'indique que cette substance provoque des amnésies antérogrades, c'est-à-dire une absence de souvenirs sur la période suivant la prise de drogue. On sait simplement que le produit entraîne des effets sédatifs qui peuvent aller de l'endormissement au coma et même à la mort.
Le produit est également utilisé de manière volontaire dans un but récréatif: à très faible dose, le Ghb a des effets euphorisants et désinhibants proches de ceux de l'alcool, ce qui lui vaut le surnom d'«ecstasy liquide». C'est sans doute cet effet que recherche Alan quand il verse le liquide dans son verre et ceux de ses amis.
Le Rohypnol, qui se prendre sous forme de pilule ou de poudre, est l'autre substance fréquemment appelée «drogue du violeur». Souvent confondu avec le Ghb, il peut, contrairement à ce dernier, entraîner le fameux blackout, ou amnésie antérograde en langage scientifique.
Mais pas besoin d'aller chercher dans le bizarre pour trouver le responsable numéro 1 des blackouts: l'alcool est de loin la cause la plus répandue de pertes de mémoires à court terme.
On retrouve les blackouts le plus souvent chez les consommateurs réguliers, les personnes non habituées s'arrêtant en général de boire quand ils ne se sentent pas bien ou quand ils vomissent. C'est pourquoi le blackout peut être un signe précurseur d'une situation de dépendance, et est à prendre au sérieux quand il se répète régulièrement. Les personnes atteintes de dépendance ont très souvent des antécédents de pertes de ce genre de pertes de mémoires tout au long de la vie.
Les blackouts liés à l'alcool ne sont pas à proprement parler des troubles de la mémoire, mais plutôt un dysfonctionnement du cerveau. Ils ne doivent pas être confondus avec le coma éthylique, qui entraîne un endormissement suite à une prise d'alcool en grande quantité, en général chez des personnes non habituées. Le fait que l'alcool soit très souvent pris en même temps que d'autres drogues telles que le Ghb peut expliquer la légende selon laquelle ce produit induirait des blackouts.
Ce phénomène peut avoir des conséquences graves. Une personne qui connaît un blackout reste totalement consciente sur le moment, avoir des conduites à risques, comme une bagarre ou un accident de voiture, et ne pas s'en souvenir le lendemain. «The Hangover» utilise justement ces situations à des fins comiques, mais des personnes se retrouvent régulièrement en prison, et parfois pour de longues périodes, pour des faits dont ils n'ont aucun souvenir.
Grégoire Fleurot
L'explication remercie Patrick Fouilland, président de la Fédération des acteurs de l'alcoologie et de l'addictologie, et Nathalie Leresche, chercheuse au CNRC-UMPC.
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Image de Une: Un signe «Happy Hour» à Paris, REUTERS/Charles Platiau