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Le syndrome du neurone unique (pendant la grossesse) n’existe pas

Temps de lecture : 3 min

Le cerveau des femmes pendant la grossesse est l’objet de nombreux mythes et, heureusement, d’études scientifiques qui les démontent.

Quels sont les liens entre grossesse et activité cérébrale? | Hey Paul Studios via Flickr CC License by

L’annonce de leur grossesse à peine faite, les femmes enceintes se transforment soudain en réceptacles à idées reçues, à base d’accouchements plus fréquents les soirs de pleine lune ou de position du ventre qui renseignerait sur le sexe du bébé (faux et re-faux). On leur explique également que leur mémoire va se détériorer et que leur QI va diminuer. Chez les blogueuses et les forumeuses, cette conséquence inattendue a un nom: le syndrome du neurone unique. Une étude datant de 1997 a effectivement montré que le volume du cerveau des femmes diminuait en moyenne de 7% pendant la grossesse.

Intitulé «Busting the baby brain myth: why motherhood makes minds sharper», un article publié début janvier par le New Scientist fait état de nouvelles observations sur les liens entre grossesse et activité cérébrale. Neurologue basé dans l’État de Virginie, le docteur Kinsley a commencé par mener quelques études sur des mamans rates, qui ont montré davantage d’aptitudes que leurs consœurs nullipares au niveau de la mémoire mais se sont également montrées plus efficaces en matière de chasse. Une nouvelle vague d’études menée par le neurologue a également montré que les mères rates étaient moins anxieuses, parvenant à mieux réguler les hormones liées au stress et à moins solliciter les parties de leur cerveau qui gèrent la peur et les angoisses.

Comme chez les rats femelles, la maternité aiderait les femmes à évoluer positivement en matière de self-control, poursuit New Scientist. Si les raisons du rétrécissement du cerveau pendant la grossesse humaine demeurent encore floues, le plus important reste que cette diminution de volume n’est que temporaire. Dans un délai maximum de six mois après l’accouchement, le cerveau revient à sa taille normale. Mieux: entre trois semaines et quatre mois après avoir donné naissance à leur(s) bébé(s), les femmes verraient même certaines régions de leur cerveau devenir plus importantes qu’avant la grossesse. C’est notamment le cas des zones gérant la capacité à raisonner mais aussi l’empathie, la prise de décision et la régulation des émotions.

Détecter les menaces

En revanche, la comparaison entre les humaines et les rates s’arrête là: aucune étude n’a démontré une amélioration des facultés cognitives durant la grossesse ou peu après celle-ci chez la femme, que ce soit au niveau de la mémoire ou de la capacité à se repérer dans l’espace. Selon Katherine Tombeau Cost, chercheuse à l’Université de La Nouvelle-Orléans, cette différence serait due au fait que, chez les rats, la mère doit gérer seule sa grossesse et sa progéniture, alors que ce n’est théoriquement pas le cas chez les humains.

Également citée dans l’article de New Scientist, une étude émanant d’une université californienne montre que les femmes enceintes et les jeunes mères sont bien plus efficaces pour décrypter les émotions sur les visages des personnes qu’elles croisent, et donc qu’elles sont plus à même de détecter les menaces éventuelles. D’autres études sont actuellement menées, d’une part pour permettre de mieux comprendre l’impact de ces modifications sur la dépression post-partum (qui mène certaines jeunes mères jusqu’au suicide) et d’autre part pour tenter de faire la lumière sur le lien entre maternité et maladie d’Alzheimer. Les constatations sont en effet trop contradictoires pour permettre d’y voir clair: tandis qu’une étude affirme qu’allaiter protège d’Alzheimer, une autre conclut que chaque grossesse augmente le risque d’être touchée par cette maladie.

Les recherches actuelles sur l’activité cérébrale des femmes enceintes et des jeunes mères pourraient en tout cas permettre certaines avancées en matière de féminisme. Aujourd’hui encore, trop de chefs d’entreprises émettraient des réserves sur le fait d’employer des jeunes femmes ayant accouché peu de temps auparavant ou s’apprêtant à donner la vie. La raison? Ce fameux syndrome du neurone unique (parfois appelé «baby brain» en anglais, pour «cerveau de bébé»), qui s’affirme de plus en plus comme une pure légende et qu’il convient de dynamiter pour mieux mettre en avant les qualités de ces femmes qui, si elles peuvent être marquées par un accouchement récent et par la fatigue liée à la gestion d’un bébé, ont vraisemblablement la possibilité de se distinguer positivement dans le monde du travail grâce à leur capacité croissante à détecter les menaces.

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