Culture

Les psys sont-ils comme dans «Sopranos» ou «In Treatment»?

Temps de lecture : 4 min

Les thérapies, qui prennent du temps, passent bien mieux sur petit écran qu'au cinéma.

Capture d'écran d'In Treatment
Capture d'écran d'In Treatment

Dans In Treatment et dans les Sopranos, les séances de psy sont inhabituelles. Les face-à-face remplacent les divans et les séances sont montrées plus longuement: on se rapproche de la réalité.

Les séries sont plus réalistes que les films

Le spectateur voit la thérapie avancer progressivement, à un rythme nettement plus réaliste que celui qu'on voit dans les films, ne serait-ce que parce que la temporalité des séries s'y prête mieux que celle des films.

Comme le note le Professeur Gabbard dans son livre La Psychiatrie et le Cinéma, dans la plupart des films, les thérapeutes finissent toujours par coucher avec leur patient (par exemple dans La Maison du Dr Edwards d'Alfred Hitchcock pour n'en citer qu'un). Dans Les Sopranos, jamais le Docteur Melfi ne cède à son attirance pour Tony, elle continue de faire son travail et de consulter son propre analyste pour réfléchir à ce que ce patient un peu spécial éveille en elle. Et si, dans In Treatment, le docteur Paul Weston est tenté de franchir le pas, il s'arrête juste à temps. De plus, beaucoup de patients, bien qu'ils viennent de leur plein gré, se montrent réticents à l'analyse. Pour pouvoir faire un travail efficace, le thérapeute doit donc vaincre cette méfiance. Dans la première saison d'In Treatment la thérapie de Sophie, la petite gymnaste, et celle d'Alex, le militaire traumatisé, reflètent cet aspect. C'est plus réaliste, parce qu'en vrai, se mettre face à un inconnu et lui raconter comment votre petit frère déchirait vos livres (et comment, certes, vous le mordiez en retour), tout ça sur un divan souvent de mauvais goût, et dont on se demande quel nevrosé plus gravement atteint que soi y a posé ses fesses, c'est pas si facile.

Fauteuil ou divan

Dans In Treatment, comme dans Les Soprano, les patients sont face à leur thérapeute, et ne sont pas allongés dos à eux. L'un n'est pas plus réaliste que l'autre; les deux techniques appartiennent à deux types d'analyse différents. Les face-à-face sont des méthodes de psychothérapie, les divans, de psychanalyse.

Choisir une méthode plutôt que l'autre est le fruit d'un accord entre le patient et son médecin. «Souvent, c'est l'analyste qui est le plus à même de juger si le patient peut supporter d'être allongé: une analyse, c'est deux à trois séances par semaine, à horaires et jours réguliers; c'est un engagement, explique Martine Fabre, psychanalyste. Il faut que le patient soit prêt à une démarche longue et coûteuse. En revanche, il ne vient parfois que pour régler un problème ponctuel.» Pour faire une analyse, il faut aussi que le patient soit capable d'«associer»: c'est-à-dire d'exprimer ses frustrations et ses désirs, de mettre en mots ce qui traverse son esprit. Toutes les personnes n'en sont pas capables: certaines ne savent pas quoi dire; ne savent pas répondre autrement que par oui ou non: c'est donc difficile pour eux de ne pas avoir le regard de l'analyste pour les soutenir face à eux. Il faut pouvoir supporter ses propres silences. Les grands paranoïaques sont incapables de supporter une telle situation: ils vont croire qu'on est en train de se limer les ongles, de les enregistrer.

Allonger les patients, c'est une idée de Freud. Pas forcément pour dormir à l'abri du regard du patient allongé, mais pour pouvoir écouter les gens en toute liberté; ne pas être sollicité par le regard de l'autre toute la journée («ce qui est assez dur car on doit rester relativement neutre», souligne Martine Fabre). Surtout, la pensée ne fonctionne pas de la même façon: en face-à-face, le patient guette l'approbation, le sourire. Il va forcément en faire des déductions, et pendant qu'il cherche dans le regard les réactions de son psy, le patient est moins concentré sur sa propre pensée: la pensée est plus introspective quand on est allongé. Et le psy peut se laisser remplir par la parole et l'analyser avec davantage d'acuité.

Comportementalisme et introspection

Pour en être plus proches, In Treatment et Les Soprano ne sont pas pour autant tout à fait conformes à la réalité. Déjà, la thérapie est condensée: une séance d'une heure est représentée à l'écran par une vingtaine de minutes. Une thérapie réelle implique un long et lent travail. Or, dans Les Soprano comme dans In Treatment, on observe peu de silences entre le thérapeute et son patient. Les dialogues sont plus vifs, plus agressifs, pour alimenter l'attention du spectateur: il s'agit davantage d'une confrontation que d'un dialogue, pour créer une tension narrative. Les percées des patients surviennent donc plus vite que dans la vie réelle.

Les séries choisissent aussi de montrer des patients avec de graves problèmes: tous les patients des psychanalystes ne sont pas mafieux, suicidaires, atteints de cancer ou responsables de meurtres à grande échelle (même si mafieux est sans doute un métier difficile incitant à faire appel à un psy). In Treatment est également assez peu réaliste dans le but de faire avancer l'action: un psychanalyste qui, comme Paul Weston, ouvrirait sa salle de bain pleine de médicaments à une patiente suicidaire (la jeune Sophie qui en profite pour ingurgiter ce qui lui tombe sous la main) ferait une grave faute professionnelle.

De manière plus générale, les séries et films américains ne représentent pas de façon très précise la réalité des thérapies françaises, c'est aussi parce que d'un côté et de l'autre de l'Atlantique, les méthodes divergent. Aux Etats-Unis, l'approche est souvent plus comportementaliste. Cela implique beaucoup l'extérieur: l'approche «behavioriste» estime que la plupart de nos comportements viennent de l'extérieur, de notre société, culture, environnement. «L'inconscient leur parle moins, précise Martine Fabre. En France, on est assez orthodoxes, on tient à notre inconscient.»

Juliette Berger et Charlotte Pudlowski

Photo: capture d'écran d'In Treatment

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