La 176e édition de l'Oktober Fest, qui réunit à Munich les amateurs de fraiches blondes, de rousses à bulles, et de brunes à mousse, a clos ses festivités dimanche 4 octobre. 7 millions de litres de bières, 500.000 poulets, une bonne centaine de bœufs ont été engloutis par les six millions de participants. Pour qu'ils ne perdent ni le rythme ni la qualité, en attendant la prochaine édition, rien de tel que de s'affranchir des circuit industriels de la bière en fabriquant leur propre bière artisanale. C'est un peu compliqué, mais bien meilleur, gratifiant et surtout écologique. Mode d'emploi.
Depuis l'antiquité — les premières occurrences connues de la bière remontent à 8.000 ans avant Jésus Christ, la production domestique a toujours été un élément essentiel de la «culture de la bière». Il existe désormais des kits permettant d'obtenir facilement des bières de qualité chez soi. Cependant, pour l'alchimiste en herbe qui souhaite respecter le cycle complet du brassage, l'opération nécessite beaucoup d'attention, et chaque étape est déterminante. Philippe Voluer, historien de la bière et président de la fédération nationale des fédérations brassicoles, préfère s'en remettre à l'expertise des trappistes, qui produisent, selon lui, les meilleures bières du monde.
La réussite de la fabrication réside principalement dans une bonne gestion de l'infusion des ingrédients dans l'eau bouillante. La réalisation de l'ensemble des étapes nécessaires peut varier de 3 à 6 heures pour un brasseur amateur avec du «matériel maison», auxquelles s'ajoutent un à deux mois de maturation, selon la qualité désirée. Autant dire qu'il faut s'armer de patience. Un amateur de bière de ma connaissance a tenté de franchir le pas pour vous. Voici ses instructions, observations et conseils, pour parvenir à vos fins.
Le choix des bons ingrédients pour la fabrication d'une bière classique:
De l'eau pure, du Houblon de bonne qualité, de l'extrait de malt (orge germé puis chauffé, disponible sous forme de sirop), du grain d'orge et/ou de Sarrasin, d'épeautre ou de froment, des noix (pour personnaliser votre bière), des levures, et du sucre candi brun.
L'eau: c'est l'ingrédient principal du breuvage. Autant dire que sa bonne qualité et l'absence de bactéries sont primordiales. Il convient de prendre de l'eau de source, avec un PH légèrement acide, autour d'un PH 5 à 5,5.
Le Houblon: élément indispensable, il intervient surtout lors de la phase de houblonnage. Il apporte les arômes, l'amertume et ses propriétés antiseptiques. Il convient de sélectionner une variété adaptée au brassage. Le croisement de variétés diverses permet d'obtenir une bière plus raffinée. Le houblon est utilisé après une transformation qui peut intervenir selon trois méthodes: le séchage en cône, en extrait ou en pellet (séché et compressé).
Le Malt: le malt est obtenu par transformation du grain d'orge. Après germination, on le laisse chauffer. On trouve facilement trois sortes de Malt plus ou moins foncées selon la teinte de la bière désirée.
La Levure: autre ingrédient indispensable, qui va permettre la fermentation, les bulles et l'alcoolémie de la bière. Elle intervient dans une seconde phase de préparation. La levure se compose de micro champignons. Celle employée pour la bière est la même que celle que l'on trouve dans le pain et dans le vin. Les Belges ont des variétés spécifiques de levures qui leur permettent de fabriquer la bière Lambic et la bière dite « de Bruxelles ».
Du sucre : du sucre de bonne qualité est indispensable pour obtenir une mousse onctueuse et obtenir un breuvage plus pétillant. Il est d'usage de préférer le sucre candi brun.
Le matériel et son usage
Pour le novice, le mieux reste de se procurer un kit complet de brassage à domicile, disponible sur le Web pour 45 à 90 euros. Pour les puristes qui souhaitent réaliser chaque étape du brassage par eux mêmes, voici les éléments nécessaires. Notez qu'il est très important de bien maîtriser les températures et de stériliser l'ensemble du dispositif afin de ne pas perturber la fermentation. L'inox est le matériau idéal, facilement lavable et stable dans ses réactions à la température.
- Une cuve pour l'empatâge et le brassage
- Une cuve pour chauffer l'eau de lavage de la drêche
- Une cuve pour faire bouillir l'eau d'une capacité de 20 litres.
- Une passoire conséquente pour le lavage de la drêche
- Un brûleur puissant (gain de temps)
- Un moulin à céréales
- Un récipient pour la fermentation d'une capacité de 25 litres, ainsi qu'un barboteur afin d'évacuer la pression de CO².
- Plusieurs spatules, cuillers et autres louches en acier ou en caoutchouc
- Un siphon avec un tube flexible pour embouteiller
- Un thermomètre électronique
- Du matériel de stérilisation des instruments (bassines, produits, gants, brosses, vaporisateur)
Les 5 grandes étapes de fabrication
Les étapes décrites ici détaillent la fabrication complète de la bière. L'usage des kits artisanaux permet d'éviter certaines étapes fastidieuses, telles que l'empâtage (des canettes de sirop de malt sont disponibles à la vente). Les proportions indiquées conviennent à la préparation de 20 litres de bière à 5°. La première chose à faire est de stériliser intégralement les instruments utilisés.
L'empâtage: Il s'agit de transformer le grain d'orge pour obtenir du malt liquide. Chaque qualité de grain apporte des arômes variés, mais le malt blond est privilégié. Il faut environ 3,85 kilos de malt blond pour obtenir 20 litres de bière. Une fois le grain concassé, faites chauffer 10 litres d'eau à 50°c, mélanger les céréales à rythme régulier et à température constante pendant 20 à 30 minutes.
Le Brassage: pour transformer l'amidon en maltose, un sucre qui sera transformé en alcool lors de la fermentation, élevez ensuite la température à 62°. Brassez à température constante pendant 30 minutes. Poursuivez en augmentant la température à 66° pendant 30 minutes, afin de former la dextrose, qui donne la rondeur en bouche, puis à 75° pendant 10 minutes. Enfin, lavez la drêche (mot celte désignant le résidu solide de l'orge utilisé pour le brassage) ainsi obtenue dans une passoire à l'aide d'une quinzaine de litres d'eau portée à 80 degrés.
Le houblonnage: il s'agit de faire bouillir le mout pendant 1h30 à 2h afin d'extraire les résines amères du houblon. Introduisez en début d'ébullition 50 à 100g de houblon amer. 10 minutes avant la fin, ajouter 20g de houblon aromatique, et filtrez le houblon.
La fermentation: laissez refroidir le liquide jusqu'à 20-25°. Ajoutez un sachet de levure et sceller le liquide dans le récipient de fermentation avec le barboteur. Il est impératif de maintenir une température autour de 20° pour éviter de tuer les levures ou de donner un mauvais goût à la bière. Quand le barboteur indique l'arrêt de la fermentation, il faut faire mûrir la bière dans un lieux plus froid, entre 5 et 10°.
Embouteillage: une seconde phase de maturation en bouteille est nécessaire pour obtenir une bonne mousse. Sucrez le liquide à raison de 4 à 6 grammes par litre, et maintenez les bouteilles à 20° pendant une semaine. Laissez ensuite reposer les bouteilles à 5° pendant un mois (Un récipient avec de l'eau froide vous aidera à maitriser les températures). Et le tour est presque joué ! Il reste ensuite à déguster «l'or liquide» comme il se doit, dans un délais assez court, car la boisson ne se conserve pas très bien.
Philippe Voluer préconise l'utilisation de kits pour les premiers brassages, ils sont tout à fait valables et permettent de se familiariser aux différentes étapes. Le parfait brassage maison relève de la prouesse de chimie alimentaire, et implique de nombreux tâtonnements. Heureusement, il vous reste 344 jours d'expérimentations, avant de devoir affronter la prochaine édition de la fête de la bière. Pour cette 177e édition, l'année prochaine, n'oubliez pas de télécharger l'application Iphone OktoberFest, avec son traducteur qui propose de commander les bières pour vous, en patois bavarois évidemment, ou encore de mesurer le taux d'alcoolémie que vous avez dans le sang.
Marc de Boni
L'auteur remercie Philippe Voluer, et le site de Christian Séon pour leurs conseils avisés, ainsi que le site bieremag.com et Lorenzo de Boni qui a tenté et réussi l'expérience dans son appartement de Bologne, en Italie. Et évidemment, l'abus d'alcool est dangereux pour la santé.
Image de une: Oktoberfest 2009. REUTERS/Michaela Rehle