La rencontre a lieu le 1er janvier, dans une ferme restaurée du fin fond de l’Essonne, à 60 kilomètres au sud de Paris. Perle Anne (son pseudonyme d’auteur) se repose dans ce havre de paix depuis dix mois, entre deux chiens, un canard, deux poules et une oie. C’est la saison des vœux. «Ah oui, bonne année à vous aussi! Enfin, quand je vois qu’on m’a souhaité une bonne année l’année dernière… Je me dis que ça ne sert pas à grand-chose!»
C’est une femme brune de 56 ans à la voix douce et grave. Elle est calme en apparence mais ses pensées bouillonnent en permanence. Sa passion: l’écriture. Elle a déjà publié quatre romans (aux éditions Paulo Ramand) et en a quatre d’avance. «Heureusement, car je n’ai pas écrit un mot depuis un an», soupire-t-elle en tirant une bouffée sur sa cigarette. Autour d’un thé à la menthe et d’un éclair au chocolat, elle entreprend le récit de la journée du 7 janvier dont elle fut, par hasard, l’un des premiers acteurs. Quelques minutes en face de l’arme lourde qui allait décimer la rédaction de Charlie Hebdo l’ont «brisée».
1.«Je n’aurais jamais cru mourir comme ça...»
Ce mercredi 7 janvier 2015, Perle Anne a rendez-vous à 11 heures chez un client dans le XIe arrondissement de Paris pour signer un contrat important. Elle a prévu de retrouver son collègue Marc* devant les locaux de la société où elle se rend pour la deuxième fois de sa carrière, au 10, rue Nicolas-Appert. Lorsqu’ils sonnent à l’interphone, une jeune employée vient les chercher et ressort avec eux pour faire le tour du bâtiment par la gauche, côté allée Verte. C’est là que se situe l’entrée visiteurs. L’adresse indiquée sur le site internet n’est en fait qu’une référence postale et administrative.
Le bâtiment est un vrai casse-tête pour la quinzaine de sociétés qui y sont nichées: deux portes principales rue Nicolas-Appert et plusieurs autres allée Verte, une sortie de parking rue Gaby-Sylvia et de nombreux couloirs qui communiquent d’un bout à l’autre, sans que les employés eux-mêmes n’en connaissent toutes les subtilités…
Vingt minutes plus tard, c’est cette particularité architecturale qui poussera les frères Kouachi à venir frapper au 6, allée Verte, après avoir échoué à s’introduire par la porte principale du 10, rue Nicolas-Appert et avoir tué l’un des trois agents de maintenance de la loge, Frédéric Boisseau. Ils viennent de contourner le bâtiment. Perle Anne et son collègue patientent avant la tenue de leur réunion:
«Une jeune femme enceinte nous a fait monter sur une sorte de mezzanine et nous nous sommes assis autour d’une table avec mon collègue, moi dos aux escaliers et lui à l’autre extrémité. Très peu de temps après, on a entendu un coup de feu en bas, des hurlements, et la jeune femme est redescendue en nous criant de la suivre. Une forte odeur de poudre a commencé à monter.»
Perle Anne et Marc sont littéralement «scotchés», ils restent immobiles et n’échangent aucune parole pour ne pas se faire remarquer. Peut-être que les hommes responsables du grabuge sous leurs pieds n’auront pas le réflexe de monter? En bas, la petite dizaine d’employés hurle: «C’est pas ici Charlie!» Sur le coup, Perle Anne ne comprend pas.
«Ensuite ça s’est passé très vite, on a entendu des pas dévaler l’escalier. On n’a même pas eu le temps de se dire quoi que ce soit. Quand je me suis retournée vers la droite, j’avais une kalachnikov braquée sur la tempe. Je n’aurais jamais cru mourir comme ça. C’est la première réflexion que je me suis faite. Après, je me souviens avoir pensé à mes enfants et m’être demandé si ça allait faire mal…»
En face, l’homme armé a la cagoule relevée au-dessus du nez. Il s’agit de Chérif Kouachi. Perle Anne remarque qu’il a de beaux yeux et le regard dur. «Il était rasé de près [une pratique répandue chez les terroristes lorsqu’ils se préparent à mourir en martyr;NDLR]. C’était un jeune homme de 30 ou 35 ans. Je me suis dit: “Il a l’air d’avoir été gâté par la nature, comment a-t-il pu en arriver là? Si jeune?”» Le cadet des Kouachi avait 32 ans.
Chérif Kouachi lance alors cette phrase dont Perle Anne n’a toujours pas la clé, mais qu’elle est certaine de restituer en l’état: «Charlie Hebdo, t’es qui?»
«Je connaissais le magazine mais sous le coup de la stupéfaction, je n’ai même pas fait le rapprochement. Mon collègue non plus, puisqu’il a commencé à retirer sa montre… Il croyait à un braquage… On était loin de penser à un attentat terroriste au siège d’une entreprise qui vend des produits pour bébé!»
J’ai entendu les mots ‘caricatures’, ‘prophète’ et j’ai compris qu’il s’agissait d’un attentat contre Charlie Hebdo
L’homme en arme balaye la pièce du regard, remarque du matériel pour nourrissons sur la table et de petits vêtements accrochés sur un portant. Perle Anne voit un doute dans ses yeux lorsqu’il réalise qu’il n’est pas au bon endroit. «Cela m’a paru interminable. D’habitude, je dis à mes enfants que, s’il y a un cambrioleur qui vient à la maison pendant la nuit, je tenterai le dialogue. Mais là… J’étais tellement choquée… C’est peut-être aussi parce que je ne comprenais pas ce qu’il voulait. Je suis tout simplement restée sans voix…»
Chérif Kouachi tourne alors les talons aussi vite qu’il est arrivé. «Marc a pensé mourir et moi aussi. À ce moment-là, on s’est fait la même réflexion: “Maintenant qu’on l’a vu, on est des témoins gênants, ils vont revenir pour nous éliminer!”»
Quelques secondes après, des paroles échangées et des bruit de meubles leur font comprendre que l’homme a quitté les lieux avec son acolyte. Perle Anne et Marc descendent rejoindre les autres. «J’ai entendu les mots “caricatures”, “prophète” et c’est là que j’ai compris qu’il s’agissait d’un attentat prémédité contre Charlie Hebdo.»
Comme les «braqueurs» sont partis par la rue, personne ne cherche à s’enfuir par là. Une employée descend le rideau de fer de l’entrée visiteurs et tout le monde cherche un endroit où se cacher:
«On s’est couché sous les bureaux et on a empoigné nos téléphones pour appeler la police et prévenir nos proches. J’ai écrit à mon compagnon et je me suis torturé l’esprit pour savoir si je devais envoyer un texto à mes enfants. J’ai décidé de ne pas le faire pour ne pas les inquiéter. Plus tard, ils me l’ont reproché.»
Quelques minutes plus tard et quelques mètres au-dessus de leur tête, les terroristes atteignent leur cible. Tout se passe sous l’oreille terrifiée des employés cachés sous leurs bureaux et de tous les autres travailleurs du bâtiment, dans cet immeuble où les bruits résonnent à travers les murs:
«De longues minutes après leur départ, on a entendu les coups de feu. D’énormes pétards, étouffés. Des filles criaient: “Ils sont en train de tuer tout le monde.” Là, on se sent terriblement impuissant. Des gens sont en train de se faire tuer à quelques mètres au-dessus de notre tête et on ne peut rien faire. Juste attendre la police…»

Rue Nicolas-Appert, le 7 janvier 2015. REUTERS/Jacky Naegelen.
En moins de deux minutes, Saïd et Chérif Kouachi ôtent la vie à dix personnes: Charb, son garde du corps Franck Brinsolaro, Cabu, Wolinski, Honoré, Tignous, Elsa Cayat, Bernard Maris, Mustapha Ourrad et Michel Renaud.
De la rue, les employés toujours retranchés entendent crier: «On a vengé le prophète!» Perle Anne est dépitée: «Je me dis que ça n’a pas de sens de tuer des gens pour… Pour quoi? Une des filles de la société qui, je pense, est musulmane, a d’ailleurs réagi avec colère en disant: “Mais le prophète, il n’a jamais demandé ça!”»
La fusillade qui s’ensuit entre les frères Kouachi, debout de chaque côté de leur Citroën noire, kalachnikov appuyée sur le portant des fenêtres, et la voiture de police qui arrive du boulevard Richard-Lenoir a lieu juste en face de l’entrée visiteurs de la société. Puis, plus rien. Une minute plus tard, les frères abattront dans leur fuite un policier de quartier non armé, Ahmed Merabet:
«La suite fut insoutenable. On ne savait pas où ils étaient, s’ils avaient été arrêtés… La police a mis un temps infini à entrer dans les locaux pour nous dire qu’on pouvait sortir. Un gars avec le brassard “Police judiciaire” est arrivé à 12h40. Il nous a demandé s’il y avait des blessés, puis nous a fait décrire les individus à tour de rôle. Ensuite, il nous a donné une feuille pour qu’on note nos cordonnées et il a dit: “Rentrez chez vous, on vous contactera.”»
Les frères Kouachi les avaient quittés une heure et quinze minutes plus tôt.
Tout le monde est en état de choc et personne ne quitte les lieux instantanément. On parle de ce que l’on vient de vivre, on appelle ses proches, on s’informe sur le massacre qui vient d’être commis, on pleure et on se serre dans les bras, y compris quand on ne se connaissait pas une heure plus tôt. On est surtout content d’être en vie. Perle Anne demande à Marc: «Que fait-on, est-ce qu’on annule notre rendez-vous de 14 heures à Gentilly?» Il s’agit là aussi d’un contrat très important. Marc répond en cherchant à s’autopersuader: «Non non, on ne va pas se laisser abattre, on y va.»
2.L’année d’après: «Les salles de réunion, depuis les attentats...»
Le soir, quand Perle Anne rentre à la maison, elle est dans un état de torpeur. Elle raconte tout à ses enfants, sous le choc eux aussi:
«Tous les deux réalisent qu’ils auraient pu perdre leur mère aujourd’hui. Jusqu’à présent, ce n’était pas une idée qui leur avait effleuré l’esprit et ils sont très marqués par cela. À un moment, mon fils m’a dit: “Maman, j’arrête mes études d’infirmier et je rentre dans le GIGN.” Je pense qu’il était sérieux, lui qui voulait faire un métier utile, il sentait qu’il y aurait des besoins…»
Son compagnon suit les infos en direct sur BFM TV. Elle ne veut pas regarder:
«C’était trop frais, j’avais encore trop d’images dans la tête… Eux, en revanche, ont eu besoin de mettre des images sur mes mots.»
Le lendemain 8 janvier, Perle Anne est en déplacement à Rouen, comme tous les jeudis. Mais impossible de penser à autre chose que la veille. Le film repasse en boucle et elle réalise qu’elle aussi aurait pu y laisser sa peau:
«J’avais l’impression d’être un zombie, je faisais tout machinalement, comme si je n’étais pas vraiment sur terre. Le soir, j’ai rejoint ma chambre d’hôtel et là ça n’allait plus, plus du tout. J’ai fait une crise d’angoisse, j’avais envie de sortir et de voir mes proches mais je ne me sentais pas le courage de rentrer chez moi et j’avais des rendez-vous le lendemain matin à Rouen… Je n’ai pas dormi de la nuit, j’avais besoin de bruit, de lumière. Je suis restée devant BFM TV en boucle, j’avais besoin de savoir où ils [les frères Kouachi; NDLR] étaient…»
Le 8 janvier, je suis restée devant BFM TV en boucle, j’avais besoin de savoir où ils étaient...
Le lendemain, épuisée par une nuit blanche, Perle Anne sort sur le parking de l’hôtel sous la pluie, avec un tas de dossiers, son ordinateur et du matériel médical sous le bras: «Un joggeur habillé tout en noir est passé sur le trottoir et j’ai sursauté. J’ai tout fait tomber par terre dans les flaques. J’ai craqué en ramassant mes affaires. C’étaient mes premières larmes. Je devais assurer mes rendez-vous, mais je sentais que j’étais dans un état catastrophique, autant physiquement que psychologiquement.»
Perle Anne va au bout de cette journée, tant bien que mal. Elle ne dit pas un mot de ce qui s’est passé la veille à ses clients, qu’elle connaît de longue date, persuadée qu’ils ne la croiront pas. Mais à 16 heures, au lieu de rentrer chez elle dans l’Essonne, elle décide de poser une semaine et de partir sur la côte normande, dans un centre de thalasso qu’elle connaît bien. Le lendemain, vendredi 9 janvier, elle apprendra la mort des frère Kouachi sur la route de Ouistreham, aux alentours de 17h30:
«J’ai eu un énorme sentiment de révolte, d’injustice. Je me suis dit qu’ils avaient eu ce qu’ils voulaient: ils sont morts en martyrs et ont échappé à la justice. Après avoir massacré tous ces gens, je me dis que c’est trop facile.»
La semaine qui suit, sa fille la rejoint. C’est elle qui trouve les coordonnées de la cellule psychologique de l’Hôtel Dieu et qui passe le premier coup de fil. Un rendez-vous est fixé au 20 janvier. Perle Anne est censé reprendre lundi 19. Elle ira travailler, mais le lendemain, lors de sa visite à l’hôpital sur l’île de la Cité, le docteur la sermonne:
«“Nan mais ça va pas, vous ne pouvez pas retourner travailler comme ça!” Il m’a donné une semaine supplémentaire et des rendez-vous hebdomadaires jusqu’à nouvel ordre.»
Au printemps, chaque fois qu’elle revoit le médecin, les arrêts sont renouvelés. Le 11 février, il l’arrête pour trente jours supplémentaires. En attendant d’aller mieux, Perle Anne travaille à domicile. Elle a développé des symptômes post-traumatiques qui la poussent au repli sur elle et à l’isolement:
«J’ai du mal à effectuer mes déplacements et j’évite les endroits où il y a du monde, alors je délègue. Mes collègues sont compréhensifs. Je ne veux pas revivre la nuit blanche que j’ai faite à l’hôtel. Chez moi, je travaille à mon rythme, car j’ai de gros troubles de l’attention. Avant, j’arrivais à me concentrer pendant trois ou quatre heures sans problème. Maintenant, c’est maximum une heure et demie. L’appétit, ça va, mais je dors encore très peu et mon sommeil reste très agité, je fais beaucoup de cauchemars.»
Perle Anne revoit le médecin le 1er avril et ses angoisses ont redoublé. Le mois qui vient, trois gros déplacements en Europe, dont un d’une semaine en Pologne, sont à son agenda:
«J’avais peur de me retrouver dans un pays étranger, de prendre l’avion, de voir des hommes armés dans les aéroports… J’avais aussi très peur de faire une crise d’angoisse là-bas, en pleine réunion, et d’être discréditée professionnellement… D’autant que les salles de réunion, depuis les attentats…»
Le docteur prolonge à nouveau son arrêt maladie jusqu’au 31 mai et Perle Anne en informe sa hiérarchie. Sept mois plus tard, alors que le 7 janvier 2016 se profile, elle n’a toujours pas repris.
3.«Les histoires d’assassinat restaient jusque là de la pure fiction»
Fin janvier, Perle Anne est auditionnée au 36, quai des Orfèvres et se constitue partie civile auprès du Tribunal de grande instance de Paris sur les conseils de la brigade criminelle.
Une expertise psychologique statue sur une interruption temporaire de travail supérieure à trente jours. Perle Anne est placée sur la liste officielle des victimes des attentats de janvier. Fin mai, elle a déjà reçu un premier versement du «fonds de garantie» de 5.000 euros. Pour le reste, le parcours est complexe:
«J’ai été convoquée par le médecin mandaté par le fond de garantie pour une expertise psychologique le 22 décembre dernier, en présence du médecin-conseil qui me suit depuis plusieurs mois. Ils ont décidé que mon état n’était pas stabilisé, qu’il allait encore évoluer. Or, tant que ça n’est pas stable, ils ne peuvent pas “évaluer le préjudice” donc les indemnités ne peuvent être versées. Il faut donc refaire un bilan dans six mois.»
En ce début d’année 2016 propice aux projets et aux bonnes résolutions, Perle Anne a pour priorité d’arrêter sa chute:
«Pour l’instant, je vis au jour le jour, je me sens encore physiquement et psychologiquement abattue. Dès le matin, je suis fatiguée, ça ne me ressemble pas. Tout le monde me dit: “Il faut que tu reconstruises quelque chose, dans le boulot, par l’écriture, n’importe comment…” Mais je suis encore fracassée. Ma priorité pour 2016, c’est donc de me ressourcer et après on verra comment rebondir.»
L’écriture comme thérapie? C’est vrai qu’elle y pense, tout le temps. Mais ça ne vient plus:
«L’écriture, c’est ma passion, ma vie, mon besoin. J’ai quatre manuscrits d’avance, ce qui me rassure un peu, mais j’aimerais bien la garder, cette avance, car je n’aime pas écrire sous pression.»
Il faut dire que le genre –le thriller psychologique– et les sujets de prédilection des romans de Perle Anne –la mort, les assassinats…– résonnent désormais de manière particulière chez elle:
«Je fais passer énormément d’émotions personnelles dans mes livres, mais les histoires d’assassinat restaient jusque-là de la pure fiction. Parfois, mes amis me disent: “Maddy et Vincent [ses personnages récurrents; NDLR] vont se retrouver dans un attentat terroriste d’ici peu…” Mais non, je ne peux pas! Ce n’est plus de la fiction, là, c’est du vécu, ça me touche trop!»
Pourtant, quand elle a commencé à écrire à la fin des années 1990, elle l’a fait suite à une affaire qui fit alors grand bruit et la toucha personnellement: le viol et l’assassinat dans son appartement d’une étudiante de 19 ans, Magali Sirotti, par le multirécidiviste connu sous le nom de Guy Georges:
«Magali était ma cousine. J’écrivais depuis l’âge de 14 ans, mais c’est à partir de là que j’ai commencé à m’intéresser aux romans policiers et à me passionner pour la criminologie. Je l’ai connue toute petite, ma cousine… Et ce qui m’a fait mal après coup, ce sont surtout les dégâts collatéraux sur ses parents et leur entourage. Mon oncle était un super beau mec, un Italien avec de la verve: il a développé une paralysie sur tout un côté du corps et a fini à l’hôpital. Sa femme a aussi fini en service psychiatrique: tout le monde a pété les plombs.»

Depuis, elle a aussi cherché à savoir comment Guy Georges en était arrivé là. Elle a trouvé des réponses, en particulier dans l’enfance. Si le mal s’exprime souvent à l’approche de la trentaine, Perle Anne est de ceux qui sont convaincus que les blessures indélébiles se forment bien plus tôt. C’est d’ailleurs le sujet central de son avant-dernier roman, écrit en 2013 et pas encore publié: Dimanche, Maman m’aimera! Elle y décrit l’itinéraire d’un gamin de la campagne issu d’un déni de grossesse, qui grandit dans un gouffre affectif profond. Nous sommes à mille lieux de la jeunesse des frères Kouachi au pied des tours du XIXe arrondissement et de leur radicalisation religieuse, mais le personnage fictif créé par Perle Anne partage deux caractéristiques troublantes avec les terroristes: un père absent et une mère prostituée disparue au cours de leur enfance. Chérif et Saïd Kouachi retrouveront la leur allongée sur le sol de la cuisine, un midi en rentrant de l’école, probablement d’une overdose suicidaire de médicaments. Ils ont alors 10 et 12 ans.
Certains passages du roman de Perle Anne font un écho sordide à l’actualité. Le serial killer, devenu adulte, analyse son parcours: «C’est comme si un incendie avait commencé, dès mon plus jeune âge, à dévaster mon cœur, en y bouleversant l’ordre et les valeurs à petit feu, pour finir, quelques années plus tard, par le séparer en deux ventricules bien distincts. Celui du bien, alimenté par le sang de l’amour, et celui du mal, alimenté par le sang de la haine.»
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