Le 1er janvier 2015, après des mois de débats houleux et de prévisions alarmistes, le gouvernement allemand instaurait enfin un salaire minimum à 8,50 euros de l'heure. Soit 65 ans après la France, où le SMIG, l'ancêtre du SMIC, était entré en vigueur en 1950. La plupart des experts interrogés alors par la presse allemande annonçaient des suppressions d'emplois massives.
Un an après l'adoption du salaire minimum, force est pourtant de constater que ce tsunami du marché de l'emploi tant redouté n'a pas eu lieu, souligne le quotidien Die Welt, qui rappelle les difficultés auxquelles s'est heurtée la ministre allemande du Travail, Andrea Nahles (SPD), qui a porté ce projet:
«Tout ce qu'elle a dû entendre: le salaire minimum serait un tueur de jobs, ont mis en garde les économistes, un monstre bureaucratique, se plaignaient les employeurs, [tandis que] la CSU et la branche économique de la CDU ont mis la ministre sous pression.»
Pour le quotidien, cette «expérience sociale» est réussie:
«Un an après, même ses plus vifs détracteurs, comme l'Institut de l'économie allemande (IW), proche des employeurs, sont obligés de reconnaître que l'instauration du salaire minimum est restée "sans bouleversements visibles sur le marché du travail".»
Si 128.000 minijobs —ces emplois à temps partiel rémunérés 450 euros par mois maximum et pour lesquels les employeurs sont exonérés de cotisation patronale d'assurance-maladie— ont été supprimés entre janvier et septembre 2015, 700.000 emplois réguliers ont été créés dans le même temps. Selon l'IW, «visiblement, des minijobs ont également été transformés en jobs réguliers». Les secteurs du commerce de détail et de la gastronomie sont les plus concernés.
Autre raison qui explique le peu de pertes d'emploi:
«Les employeurs ont pu reporter les coûts sur les clients. Les courses en taxi ont ainsi augmenté de 13%, les aides ménagères de 4%, les services de pressing et les visites au restaurant de 3%.»
Le quotidien Der Tagesspiegel fait lui remarquer que le marché du travail allemand se porte actuellement mieux que l'an dernier:
«En Novembre 2015, d'après l'Agence fédérale pour l'Emploi, 2,6 millions de personnes étaient inscrites au chômage, soit 84.000 de moins qu'en novembre 2014.»
Le quotidien n'occulte cependant pas les cas —rares— d'entreprises allemandes qui ont été contraintes de mettre la clef sous la porte après l'entrée en vigueur du salaire minimum, telle l'entreprise familiale Steinbach, qui produisait des figurines de casse-noisettes en Basse-Saxe, et dont les coûts salariaux avaient augmenté de 27%.
Autre bonne surprise: bien que la loi sur le salaire minimum comporte des exceptions, notamment vis-à-vis des chômeurs longue durée, que les employeurs ont la possibilité d'embaucher à moins de 8,50 euros de l'heure durant les six premiers mois de leur contrat de travail, ces derniers y ont rarement recours, note le quotidien, qui cite Joachim Möller, directeur de l'Institut de recherche sur le marché du travail et les professions de Nuremberg (IAB):
«Cela est lié au fait que les employeurs n'ont pas envie de passer pour injustes. Ils ne veulent pas créer d'insatisfaction au sein du personnel.»