Trois jours ont passé depuis les attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis. Cet après-midi là, face à un Parlement réuni en Congrès exceptionnel à Versailles, François Hollande se doit d’annoncer des mesures fortes pour endiguer le terrorisme. Mais en proposant de constitutionnaliser la possibilité de déchoir de leur nationalité les binationaux nés Français, le président surprend une partie de son auditoire.
Cette mesure a longtemps été une revendication de l'opposition. Le projet suscite rapidement des critiques, notamment de la part d'une grande partie de l’aile gauche du PS, des écologistes, du Front de gauche. Un temps, Christiane Taubira annonce même le retrait de la mesure décriée sur une radio algérienne... Avant que François Hollande ne confirme son maintien.
L'illustration de la crispation d'une bonne partie de la gauche sur la question. Plus étonnant, certains députés Les Républicains (LR) y sont désormais défavorables. Avant le début du débat législatif, de nombreux parlementaires, parmi les 925 qui seraient amenés à s'exprimer dessus en Congrès, ont déjà donné leur position, et leurs arguments. En voici une sélection.
Les parlementaires contre la déchéance
1.La mesure serait inefficace...... inutile, injuste et sans intérêt
Patrick Devedjian, député LR des Hauts-de-Seine, a estimé sur RTL que la déchéance de nationalité des terroristes binationaux «ne sert à rien». «Inefficace», elle ferait «apparaître une alliance objective entre le Gouvernement et le Front national».
Samia Ghali, sénatrice PS des Bouches-du-Rhône, dans Libération: «C’est une mesure profondément injuste et inefficace. Nous savons tous qu’elle n’est en rien une réponse à la hauteur des sanctions et des précautions que nous devons adopter dans la lutte antiterroriste.»
Christian Paul, député PS de la Nièvre, sur France Info: «De l'aveu général, elle n'aura aucun effet, aucune efficacité dans la lutte contre le terrorisme.»
Karine Berger, députée PS des Hautes-Alpes, sur LCI: «Quels seraient les résultats d’une telle mesure? Ils restent vraiment à démontrer.»
Patrice Prat, député PS du Gard, sur son blog: «La déchéance de nationalité n'aura aucun effet sur les djihadistes, kamikazes ou pas. Tout le monde s'accorde là-dessus! [...] Pour quelles raisons l'introduire dans le débat au point d'en faire un nouveau thème de déchirement dans la société française?»
2.Elle stigmatiserait les binationaux... et créerait des citoyens de seconde zone
Samia Ghali, sénatrice PS des Bouches-du-Rhône, dans Libération: «Accepter la déchéance, c’est prendre le risque de fragmenter encore un peu plus la société française. Les binationaux sont des Français à part entière. Il ne peut y avoir plusieurs catégories de Français au sein de notre République.»
Jean-Marc Ayrault, ancien Premier ministre et député PS de la Loire-Atlantique, sur Twitter: «Si la France est "en péril de paix", alors ne la divisons pas davantage! #égalitédetouslesFrançaisdevantlaloi»
Si la France est "en péril de paix", alors ne la divisons pas davantage! #égalitédetouslesFrançaisdevantlaloi #decheancedenationalite
— Jean-Marc Ayrault (@jeanmarcayrault) 27 Décembre 2015
Benoît Hamon, député PS des Yvelines, dans le JDD: «En introduisant cette distinction, la République n'est plus indivisible. Le symbole choisi […] envoie à des millions de nos compatriotes le message suivant: vous êtes des Français de seconde catégorie.»
Christian Paul, député PS de la Nièvre, sur France Info: «Le symbole ne s'adresse pas aux terroristes, mais il s'adresse, et je n'hésite pas à le dire, de façon malsaine à des millions de Français qui sont binationaux, qui vivent comme une humiliation cette idée qu'il y aurait dans notre Constitution deux catégories de Français et que certains le sont moins que les autres. Voilà pourquoi cette proposition de réforme entame le pacte républicain.»
3.Elle donne du crédit au Front national... qui l'approuve à l'unanimité
Cécile Duflot, députée EELV de Paris, dans Libération: «À force de vouloir couper l'herbe sous le pied du FN, on risque d'appliquer son programme. [...] Voter contre s'impose. J'appelle toutes les consciences républicaines à se réveiller et à refuser cette pente glissante. Il faut savoir poser des bornes infranchissables.»
Les parlementaires pour la déchéance
1.Un symbole fort ... et utile
Patrick Lemasle, député PS de Haute-Garonne, dans La Dépêche du Midi: «Dans cette période de trouble, nous avons aussi besoin de décisions symboliques. Sur le fond, je ne pense pas que cette mesure sera d'une grande efficacité, mais nous devons aussi faire passer des messages qui marquent l'engagement de notre Président sur ce sujet.»
Florence Delaunay, députée PS des Landes, sur France Bleu: «Il faut que les Français soient assurés que nous faisons les choses les plus efficaces pour leur sécurité.»
Claude Greff, députée LR d’Indre et Loire, dans la Nouvelle République: «Face aux terroristes, soyons efficaces.»
2.Un terroriste ne mérite pas la nationalité française
Françoise Imbert, députée PS de Haute-Garonne, dans La Dépêche: «Cette mesure, autour de laquelle de nombreux élus polémiquent, concerne, faut-il le rappeler, des terroristes et donc pas n'importe quel citoyen.»
Laurence Arribagé, députée LR de lHaute-Garonne, dans La Dépêche: «Le peuple français doit pouvoir exclure de la communauté nationale les ennemis de la République qui prennent les armes contre la France.»
Philippe Briand, député LR d’Indre et Loire, dans la Nouvelle République: «Être Français, c'est respecter la Nation et ses enfants.»
Christophe Castaner, député PS des Alpes-de-Haute-Provence, sur Twitter: «Je cherche dans mon guide du bon socialiste au nom de quelle valeur je dois m'émouvoir qu'un terroriste perde la nationalité qu'il assassine.»
Christophe Caresche, député PS de Paris, sur LCP: «On assiste à une espèce de concours Lépine de l'indignation dans une partie de la gauche, qui n'est pas justifiée par rapport à la réalité de la mesure et, par ailleurs, qui n'est pas justifiée par rapport à la réalité de la situation, c'est-à-dire une situation de guerre contre le terrorisme qu'il nous faut absolument combattre.»
Delphine Batho, députée PS des Deux-Sèvres, dans Le Monde: «Etre Français, c’est adhérer à des valeurs et à un pacte et je partage l’idée selon laquelle quelqu’un qui s’engage dans le djihadisme rompt son lien avec la nation.»
Gérard Bapt, député PS de Haute-Garonne, dans La Dépêche: «Lorsque certains jeunes partent faire le djihad, la première chose qu'ils font, c'est de se filmer en train de brûler leur passeport français, donc la France, visiblement, ils n'en veulent pas.»
3.Une mesure essentielle... et en plus, ça embête Christiane Taubira
Eric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes, sur Twitter: «Je me réjouis du maintien par le Gvt de la #déchéancedenationalité. @ChTaubira qui combat cette mesure doit quitter le Gvt!»
Christian Estrosi, député LR des Alpes-Maritimes, sur Twitter: «Changement de position? Désavoeu de @chtaubira? Le maintien de cette mesure est essentiel pour notre Sécurite #decheance»