Après de longues semaines d’enquête, la brigade criminelle de Paris, la sous-direction antiterroriste et les services du renseignement intérieur (DGSI) mobilisés après les attentats du 13 novembre ont livré leurs dernières conclusions. Le Figaro et Le Monde se sont procurés ces documents et dévoilent le contenu de l’enquête, sur laquelle ont travaillé près de 850 policiers.
De nombreux témoignages de survivants présents dans la salle de spectacle du Bataclan ou dans les cafés visés par les attaques ont permis aux enquêteurs de comprendre le déroulé et la chronologie des événements. Les documents racontent la «glaçante méthode» des terroristes, comment ils se sont emparés des téléphones portables pour se connecter à internet et les négociations «surréalistes» avec la police au cours desquelles l’un des terroristes a notamment exigé:
«Je veux que vous partiez du pays [la Syrie; NDLR], je veux que vous enleviez vos armées, je veux un papier, et un papier signé qui le prouve.»
Au Bataclan, «ils s’amusaient, ça les faisait rire»
Dans un récit très complet, Le Monde raconte le huis clos à l’intérieur de la salle de spectacle du Bataclan, où les assaillants tiraient méthodiquement sur les spectateurs couchés au sol dans la fosse feignant d’être morts:
«Certains s’amusent avec les otages. “Allez-y, levez-vous, ceux qui veulent partir, partez!” lance l’un d’eux. “Bien sûr, tout ceux qui se sont levés se sont fait tirer dessus”, raconte un rescapé: “Les terroristes ont recommencé, et d’autres otages se sont levés. De nouveau, ils ont tiré. Ils s’amusaient, ça les faisait rire.”»
À 22h07, deux membres de la BAC de nuit parisienne pénètrent dans la salle avec leur arme de poing. Ils sont les premiers sur place et aperçoivent Samy Amimour. Ils font feu à six reprises. C’est à ce moment-là que sa ceinture d’explosif se déclenche. Une rescapée raconte la réaction des autres terroristes face à la mort de Samy Amimour:
«J’ai reçu un bout de chair dans mes cheveux. Ça les a fait rire. Ils ont dit: “Tiens, il s’est fait exploser.” Ça les a fait marrer, et je me suis dit qu’ils étaient vraiment débiles.»
Le Figaro rapporte le témoignage d’une autre rescapée du Bataclan. Elle raconte le moment où l’un des terroristes est monté sur scène pour jouer du xylophone «avec un rire sadique».
Des attentats coordonnés depuis la Belgique
Le Monde explique également comment les trois commandos ont été pilotés à distance, en temps réel, depuis la Belgique. Ce sont deux lignes téléphoniques qui ont permis aux enquêteurs de comprendre ce lien avec des interlocuteurs situés en Belgique.
La première ligne a été identifiée après l’envoi d’un SMS, quelques minutes avant l’attaque du Bataclan, depuis un téléphone Samsung qui a aussitôt été jeté dans une poubelle. Le destinataire de ce texto était situé en Belgique. Son contenu? «On est parti, on commence».
D’après les procès-verbaux, un second numéro belge semble avoir été en contact, tout au long de la soirée du 13 novembre, avec Abdelhamid Abaaoud, le conducteur d’un des commandos considéré comme l’un des coordinateurs de ces attentats. Cette découverte laisse penser aux enquêteurs qu’au moins un homme a piloté les opérations depuis la Belgique. Mais, pour l’heure, le propriétaire de la ligne n’a pas été identifié, rappelle Le Monde.
Plus de 400 coups de feu en vingt minutes
Le Figaro raconte aussi comment les kamikazes du stade de France ont tenté d’entrer «par tous les moyens» dans l’enceinte où se déroulait le match France-Allemagne devant près de 80.000 spectateurs.
Enfin, les conclusions de l’enquête détaillent le mode opératoire du commando s’est attaqué aux terrasses de cafés des Xe et XIe arrondissements. Le Figaro le décrit en ces termes:
«Alors que la Seat s’immobilise en pleine rue tous phares allumés, deux tueurs sortent des places arrière sans dire un mot avant d’agir de manière coordonnée comme en zone de guerre. Là encore, au cri d’“Allah akbar”, comme l’ont entendu de nombreux témoins, ils ont mitraillé les terrasses bondées, tué un automobiliste qui leur barrait la route, criblant de projectiles les voitures, deux-roues, engins de secours, vitrines de commerces et immeubles aux alentours.»
Ce soir-là, entre 21h20 et 21h40, c’est-à-dire en l’espace de vingt minutes, le commando a tiré plus de 400 fois. Ils ont tiré en rafales, «mais aussi au coup par coup de façon méthodique», rapporte Le Figaro.