Dix ans après la marée noire sur les côtes bretonnes, le procès en appel du naufrage de l'Erika s'est ouvert aujourd'hui à Paris. De la bouche de ses avocats, Total trouve injuste le jugement rendu en première instance en janvier 2008. La compagnie avait été convaincue d'«imprudence» pour avoir loué un pétrolier ancien et mal entretenu. Total rejette la faute sur Rina, en expliquant que la corrosion du navire lui avait été cachée par l'organisme qui a établi les certificats de navigabilité de l'Erika. Ce dernier a également fait appel, ainsi que le propriétaire du pétrolier, Giuseppe Savarese, et son gestionnaire Antonio Pollara.
Sur le plan pénal, le pétrolier et les armateurs ne risquent pas grand chose à tenter leur chance: les juges leur avaient infligé la peine maximale, 375.000 euros pour les personnes morales, 75.000 euros pour les personnes physiques.
Du côté du civil en revanche, Total et ses compagnons dans le box des accusés peuvent sortir perdants de cette seconde manche. Les quatre prévenus ont été condamnés à verser 192 millions d'euros aux parties civiles. Celles-ci réclamaient cinq fois plus. Les régions en particulier espèrent toucher davantage. Le jugement de première instance avait surtout profité à l'Etat, qui emportait 154 millions sur la somme totale.
Certaines collectivités locales sont tellement indignées de la décision du pétrolier de faire appel qu'elles ont également décidé de contester certains points du premier jugement. Le parquet de son côté fait appel de la décision d'exclure deux filiales de Total, mises hors de cause.
Mais la bataille porte surtout sur le principe juridique: les collectivités et les associations espèrent que la notion de «préjudice écologique» sortira renforcée et étendue du procès en appel. «Nous attendons de ce nouveau jugement qu'il confirme la responsabilité de Total et la réprime; qu'il envoie un signal fort aux sociétés pétrolières pour renforcer la sécurité en mer», explique ainsi dans Ouest-France Jean-Pierre Mignard, qui représente huit collectivités solidaires, dont les régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes.
L'avocat précise que Total, qui avait dépensé 200 millions d'euros pour nettoyer les plages après le naufrage et pomper le fioul resté à bord de l'Erika, s'est déjà acquitté «de façon définitive» 170 millions d'euros d'indemnités à 38 parties civiles, dont les 154 millions d'euros à l'État .
Les prévenus ont jusqu'au 18 novembre pour convaincre les juges de la cour d'appel. Autant dire que Total ne s'extraira pas de sitôt du bourbier visqueux de l'Erika.
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Image de une: Remorquage de l'Erika,décembre 1999, Marine Nationale/Mylène Le Joncour