Le Conseil des ministres a dû être animé. Mercredi 23 décembre, François Hollande a finalement décidé de maintenir la déchéance de nationalité dans le projet de révision de la Constitution. Ce changement radical et polémique devrait permettre à l’État de retirer la nationalité française aux binationaux nés sur le territoire français et accusés de terrorisme. À l’issue de la réunion, le Premier ministre Manuel Valls a expliqué lors d’une conférence de presse que «l’état d’urgence est une mesure d’efficacité qu’il faut adapter à notre époque»:
«Le champ d’application de cette mesure est délimité, a-t-il ajouté, il ne s’appliquera qu’aux personnes déjà condamnées. En aucun cas cette déchéance ne permettra à des auteurs d’actes terroristes d’échapper à la justice. Ils seront poursuivis en France et ce n’est qu’après avoir purgé leur peine qu’ils seront déchus de leur nationalité.»
Cette décision prise à la dernière minute, si le Parlement la valide, est un véritable coup de théâtre. Car ces dernières semaines, de nombreux politiques laissaient penser que la mesure, annoncée par le président le 16 décembre dernier lors du Congrès, allait finir aux oubliettes.
Coup dur
«L’Élysée a pris conscience du schisme que cela créerait non seulement au sein du PS mais dans la gauche tout entière», se félicitait le député PS Benoît Hamon lorsque l’on s’attendait encore à un recul sur ce sujet, comme le rapporte Le Parisien, qui citait également Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement:
«J’ai l’impression qu’il y a quand même de moins en moins de gens qui pensent qu’il est absolument fondamental d’inscrire dans la Constitution la perte de nationalité, qui existe déjà dans la loi par ailleurs.»
Le 21 décembre, le journal Libération écrivait que le sociologue Patrick Weil avait convaincu le président de ne pas inscrire ce fameux article 2 dans la Constitution. L’article «ne frapperait pas les “seuls” Français puisque divers textes internationaux interdisent de produire des apatrides, résume le journal. D’où le risque de stigmatiser les quelques 4 millions de binationaux».
Même Manuel Valls, qui défend aujourd’hui ce projet, s’interrogeait devant des journalistes sur la pertinence de cette inscription dans la constitution française: «Pour trois ou quatre terroristes, est-ce que ça en vaut la peine? Ça ne dissuade aucun terroriste de se faire sauter…»
Mais le plus grand désaveu reste celui de la garde des Sceaux, Christiane Taubira. La veille du conseil fatidique, elle avait annoncé l’inverse sur la radio algérienne Chaîne 3: «Le projet de révision constitutionnelle qui sera présenté en Conseil des ministres ne retient pas cette disposition. […] Je suis persuadée que c’est une décision qui ne peut pas avoir d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme». Aujourd’hui, difficile de ne pas voir dans cette décision un véritable coup dur pour la ministre.
.@ChTaubira reste impassible à l’annonce du maintien de la déchéance de nationalité #Valls @itele pic.twitter.com/cLxVVcQlXo
— Camille Langlade (@CamilleLanglade) 23 Décembre 2015
Lors de la même conférence de presse que celle du chef du gouvernement, elle a expliqué que, «ce qui est important, ce n’est pas [sa] présence ou non au sein du gouvernement, c’est la capacité de faire face au danger». Pourtant, plusieurs politiques d’opposition ont d’ores et déjà sauté sur l’occasion pour demander sa démission.